Discours d'Hervé Morin, ce jour à Paris lors du lancement de l'UDI
Source : Site du Nouveau Centre
Chers amis,
Il m’appartient d’ouvrir cette première assemblée constituante de l’UDI que Jean-Louis clôturera tout à l’heure et vous l’imaginez, j’en ressens fierté et enthousiasme.
J’espère seulement que je ne finirai pas comme la plupart des constituants de 1789…
Fierté et enthousiasme.
Fierté que vous nous accordiez votre confiance pour conduire ensemble cette belle fédération.
Enthousiasme d’écrire avec vous en ce dimanche une nouvelle page du centrisme politique.
Bravo Jean-Louis d’avoir remis les petites grenouilles centristes dans la même brouette. Ce n’était pas facile car il y avait souvent des cicatrices entre nous.
Chacun avait des bons et des moins bons souvenirs de nos relations personnelles: des moments de fraternité et de camaraderie mais aussi des moments de compétition et de rivalités.
Et c’était ça le plus difficile. On se connaît tellement bien. En fait, on se connaît comme les couples au bord de la rupture qui, après des bosses et des cabosses, tentent de repartir parce qu’ils se disent que ce serait un gâchis de tout voir disparaître comme ça et de laisser les enfants sur le bord de la route.
Alors, soit nous savons tirer profit de votre énergie, de votre enthousiasme, de l’espoir qui est en train de naître ce dimanche matin pour cicatriser nos déchirures. Soit nous les ressassons indéfiniment et l’UDI sera un échec. Et ça, je n’en veux pas.
Voilà pourquoi je disais il y a quelques jours qu’il y avait une espèce de dernière chance dans cette construction. Non pas la dernière cigarette du condamné à mort, mais la dernière chance que nous avons ce matin de faire renaître une force politique au centre et au centre droit.
Redevenir la première force politique française comme l’était l’UDF au début des années 90 : voilà notre objectif. Et votre présence aussi nombreuse ce matin nous impose une immense responsabilité.
La naissance de l’UDI c’était ta volonté Jean-Louis, mais la réussite de l’UDI c’est maintenant notre devoir à tous.
Tous ensemble faisons en sorte que cette journée du 21 octobre, comme le dit le poète, rejoigne la catégorie « des jours éternels plutôt que celle des jours changeants ».
Fierté, enthousiasme pour moi, mais aussi émotion, car comme beaucoup d’entre vous j’ai vécu une bonne partie de l’aventure de l’UDF. J’ai connu son unité - aussi fragile que fertile, j’ai vécu aussi sa lente descente aux enfers, à peine ralentie par la rémission du printemps 2007.
L’UDF, nous l’avons souvent critiquée, nous l’avons souvent dénigrée, mais en vérité nous n’avons pas mieux en magasin comme modèle d’organisation de notre famille. C’est pourquoi ce que nous tentons aujourd’hui est bien de l’ordre de la refondation ou plus exactement du recommencement.
Cette organisation fédérative de type UDF, elle est un peu pour les centristes ce que Churchill disait de la démocratie, le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres.
Et d’ailleurs pourquoi faire un procès d’intention aux structures fédérales. Ce qui marche pour des pays -les Etats-Unis, l’Allemagne, le Brésil- pourquoi est-ce que ça ne marcherait pas pour une formation politique française ?
L’UDI n’efface pas pour le moment les formations qui ont décidé de la constituer. Peut-être irons nous un jour vers une fusion complète dans un parti unitaire.
Mais ce qui peut nous menacer de toute façon je vais vous dire ce ne sont pas nos chapelles, non ce qui peut nous détruire ce sera l’absence de loyauté dans la construction de notre cathédrale.
Je vous le dis aujourd’hui les yeux dans les yeux et de manière solennelle : je vais m’engager à fond dans la construction de l’UDI.
Je ne traînerai pas les pieds et le Nouveau Centre n’ira pas à reculons dans l’UDI. C’est même l’inverse. L’UDI n’aura pas de plus fervents supporters, de plus inlassables promoteurs que le président, les élus et les militants du Nouveau Centre.
Et je vous le dis, militants de chacune des formations : n’ayez pas peur de l’UDI. Avoir peur de rejoindre un ensemble plus grand, c’est faire aveu de faiblesse.
C’est le président du Nouveau Centre qui vous le dit .Engagez vous et engagez vous à fond.
Non, l’UDI ce n’est pas l’enterrement de nos familles et de nos sensibilités libérale, radicale, démocrate-chrétienne. C’est au contraire leur renaissance dans la complémentarité.
Non, chaque fédération ne se dissous pas parce qu’il y a l’UDI. Mais au contraire elle se renforce.
Non chaque militant ne perd pas son identité parce qu’il y a l’UDI. Au contraire, il pèsera plus dans les combats qu’il aura à mener.
Mes chers amis,
Quel est notre défi aujourd’hui ? Il est tout simple. Que l’UDI ne soit pas simplement un empilement de briques mais qu’elle devienne une vraie force.
Beaucoup ont pensé et pensent encore que la Ve République pousse obligatoirement vers le bipartisme. Vers le bipartisme ce n’est pas inéluctable, mais vers la bipolarisation, c’est une certitude. Et l’autre certitude, c’est que les électeurs modérés, libéraux, humanistes, ils existent toujours mais ils étaient tout simplement découragés par notre spectacle de divisions.
Et notre défi est donc de ne plus être le strapontin dans une majorité future avec l’UMP mais d’être un pôle avec pour objectif d’en devenir aujourd’hui le partenaire obligé et demain l’acteur majoritaire.
Cela nous demandera un peu de temps, quelques années peut-être, mais c’est possible. En fait, tout dépendra de notre capacité à rendre vivantes et audibles nos idées.
Je dis bien nos idées. Qu’elles nous soient enfin réattribuées.
Car ce sont les idées et rien d’autres qui créent le mouvement et assurent le développement d’un mouvement politique.
Or que s’est-il passé en vérité ? Faute d’être audibles, nous avons donné l’impression que nous avions disparu ou même démissionné du champ des idées. En vérité, nous avons eu souvent sinon toujours raison avant les autres, mais personne ne l’a su. Les centristes ont été les pigeons de la majorité, plumés de la tête à la queue depuis des décennies.
Prenons l’actualité immédiate.
- Qui s’inquiétait des déficits budgétaires quand l’UMP et le PS continuaient à entretenir la pompe à morphine de la dépense publique ? Nous les centristes.
- Qui voulait la règle d’or pour faciliter le retour à l’équilibre budgétaire quand l’UMP et les PS la refusaient ? Nous les centristes.
- Qui appelait à l’Europe fédérale en soulignant que l’Europe boiteuse qu’on nous construisait nous amènerait au bord du gouffre ? Nous les centristes.
- Qui demandait la fin des 35 heures quand François Fillon ne voulait pas en entendre parler? Nous les centristes.
- Qui demandait un nouveau financement de la protection sociale par la TVA quand Nicolas Sarkozy n’en voulait pas ? Nous les centristes.
Alors, comme on ne nous entendait plus ou si peu, beaucoup ont pensé que le centre était devenu le lieu de retraites d’idées fatiguées, que le centrisme était devenu une sorte de café décaféiné.
Alors il est temps, mes chers amis, de retrouver le goût du risque. Il est temps de retrouver ces chemins côtiers balayés par les vents contraires.
Il est temps de redevenir l’espace politique où naissent les polémiques et les grands débats.
Hier, c’était autour de l’UDF que s’organisait ce débat d’idées.
Pour ou contre l’Europe ? Pour ou contre la décentralisation ? Pour ou contre la contraception ? Pour ou contre l’IVG ? Pour ou contre la liberté de l’audiovisuel ? Pour ou contre l’OTAN ? Pour ou contre ?... Je pourrais en ajouter encore une bonne dizaine.
Mais l’UDF, c’était hier ; c’était le temps où la Chine et l’Inde n’existaient pas, c’était le temps du télex et du minitel, c’était le temps où Mitterrand pouvait encore mettre un village et un clocher sur ses affiches électorales.
L’UDF c’était hier et l’UDI c’est aujourd’hui avec devant nous 5 ans pour séduire à nouveau les Français.
Je ne sais pas pour vous, mais moi j’ai envie d’un centre d’exigence pas d’un centre d’insignifiance ;
je rêve d’un centre d’impatience pas d’un centre flamby ;
je rêve d’un centre décomplexé pas un centre de prêchi-prêcha.
- C’est parce que nous ne sommes pas suspects d’être xénophobes que nous pouvoir affirmer que le principe de laïcité ne se discute pas.
- C’est parce que nous sommes humanistes que nous pouvons dire que la délinquance des mineurs doit être combattue avec beaucoup plus de sévérité.
- Et c’est parce que nous sommes ouverts aux autres que nous pouvons dire que la République, elle ne se négocie pas par tranches.
Le centre que j’ai envie de bâtir avec vous il ne s’excuse pas d’exister.
Il ne confond pas humanisme et laxisme.
Il cultive plus que tout les valeurs de liberté et de responsabilité dans un monde où tout devient interdit et où les devoirs s’effacent toujours devant les droits.
Il donne sa confiance aux communautés et aux forces vives de notre pays et il en fait même les premiers soldats du redressement de notre pays.
La crise est très grave. Crise économique et de plus en plus crise de confiance avec des Français comme recroquevillés dans leur angoisse du lendemain.
Nous qui faisons de la politique, on peut faire le choix de se résigner. Et puis on peut aussi se dire qu’il est possible d’inverser le sens de l’histoire, que c’est le moment où jamais de changer de logiciels, de rompre avec tout ce qui nous handicape depuis des années car c’est un monde nouveau qui impose des solutions nouvelles.
Pour aboutir à cela, il nous faudra engager un énorme travail : pour renouveler notre pensée, pour retrouver des marqueurs idéologiques puissants.
Evoluer sur le fond mais aussi je le crois sur la forme. "Bouillir dans notre peau", comme disait Péguy.
Nous devons être là où il y a des failles, là où les Français parlent et où les politiques n’écoutent plus. Pour dire des choses nettes, claires, simples, parfois brutales, exigeantes, pour privilégier pour une fois la conviction plus que le compromis, la virulence plus que la tempérance, oui c'est à cette condition que nous serons entendus.
Regardez le PS c’est le bon exemple de ce qu’il ne faut pas faire quand on est dans l’opposition.
10 ans pour ne rien apprendre. 10 ans pour ne rien comprendre. 10 ans pour au final rendre une copie blanche le jour où l’on est appelé au gouvernement.
- Quand est ce que les socialistes comprendront que la meilleure des cohésions sociales c’est l’emploi donc les entreprises?
- Quand est ce que les socialistes comprendront que le meilleur producteur de prestations sociales c’est l’entrepreneur ?
- Quand est ce que les socialistes comprendront que notre meilleur atout pour gagner des parts de marché à l’export c’est notre tissu de PME ?
Je crois qu’en presque 6 mois de Hollandisme les gens ont retenu finalement 2 messages :
- Le premier c’est « si vous avez de l’ambition et de l’argent, allez vivre et investir à l’étranger »
- et le second c’est « arrêter d’emmerder vos enfants avec les dangers du cannabis, de toute façon il sera bientôt en vente libre ». Et c’est le premier professeur de France qui le dit. Comment François Hollande a-t-il pu ne pas lui demander de démissionner ?
Moi j’ai eu vingt ans et j’ai deux grands ados. Je leur dis quoi ce soir sur la drogue ? Je leur répète ce que leur apprennent les médecins scolaires venus il y a huit jours dans leur lycée pour les alerter sur le danger de cette addiction ou je leur dis d’écouter le ministre de l’Education nationale ?
Si on n’a plus la loi avec nous, si on mélange allégrement santé publique et délinquance, qu’est ce qui reste aux parents et aux éducateurs pour éviter que leurs enfants se mettent en danger ? Et quand je vous dis cela, c’est du vécu. Et moi encore, j’ai la capacité de parler, d’écouter. Imaginez ce que cela peut être dans des familles où les parents sont déjà en grande difficulté si la loi ne peut même pas les aider.
Est-ce que quand les gens roulaient comme des cinglés en voiture et qu’il y avait plus de 10 000 tués chaque année on a décidé de supprimer les limitations de vitesse ? Non on a fait l’inverse.
Le message sur les impôts, je crois que celui-là il est passé 5 sur 5 aussi. Vingt-cinq milliards d’impôts de plus en 2013. Le plus haut niveau de prélèvements obligatoires jamais atteint en France !
« J’appelle plus ça du budget, j‘appelle ça de l’attaque à main armée ! » aurait dit Audiard. Et moi j’appellerai même ça, un crime contre l’économie, un crime contre l’initiative et contre la réussite.
Vous imaginez les jeunes en écoles de commerce, en masters ou en école d’ingénieur qui veulent réussir, créer leur entreprise ou devenir cadres dirigeants. Qu’est ce qui va la retenir en France cette génération Erasmus qui est trilingue, ces enfants du village planétaire, des stages à l’étranger et des billets low cost à travers l’Europe.
Ce n’est pas l’argent Monsieur Hollande qui va quitter la France, c’est bien pire que cela c’est sa jeunesse, son intelligence, sa vitalité et oui vous serez Monsieur Hollande le président qui aura non pas permis tout cela, mais commis tout cela.
Pour ma part c’est simple : 0 % confiance dans le gouvernement mais 100 % confiance dans l’UDI.
Oui je suis optimiste sur notre capacité à réussir car je crois que les grandes valeurs du centre - l'Europe, les territoires, la rigueur budgétaire, la modernité sociale et la morale publique - sont plus que jamais les repères et les solutions qui doivent guider l'action politique de demain.
Alors mes chers amis, pour conclure, quelle est notre feuille de route ?
Nous avons devant nous des élections municipales.
Nous aurons à reprendre plusieurs grandes villes pour dire à l’opinion : le Centre est de retour.
Nous avons devant nous des élections européennes. Elles seront un tremplin pour faire gagner notre idéal et faire connaître notre marque.
Nous avons devant nous des régionales et des cantonales. Elles seront les nouveaux visages qui auront rejoint la maison centriste.
Mes chers amis, le présent n'a pas encore le visage de toute cette espérance mais peu importe. Nous devons, nous centristes, être prêts très vite pour constituer, non seulement une opposition crédible, mais déjà une relève.
Une famille à nouveau soudée faite de potes qui sont heureux d’être ensemble, une famille à nouveau imaginative, une famille à nouveau conquérante, c'est l'objectif qui est le nôtre et le mien à compter d'aujourd'hui.
Alors, mes chers amis, au boulot !
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