Kadhafi reprend le contrôle en Lybie en masscrant toujours autant son peuple. Mais que fait la communauté internationale qui a pourtant déclaré ouvertement son soutien aux insurgés ?
Source : Le Monde
Le temps presse en Libye. Jour après jour, heure après heure, avec sa force armée meurtrière - avions, hélicoptères, chars, missiles, mercenaires -, le dictateur Kadhafi reprend la main sur son pays et écrase les efforts du peuple libyen qui tente de se libérer. Le tyran, décidé à noyer son pays dans "des rivières de sang", mitraille les populations civiles, "purge" les villes des opposants et fait régner la terreur. Partout, à Tripoli et dans les régions reprises à la rébellion, les hommes sont enlevés en nombre pour être conduits dans les salles de torture et assassinés.
Les Occidentaux sont unanimes pour condamner le dictateur fou. Mais, la réunion du G8 vient encore de le montrer, ils tergiversent, multiplient les conditions diplomatiques qui seraient nécessaires à une intervention, trouvent des prétextes pour justifier leur inaction. Les plus cyniques brandissent même l'argument hypocrite du néocolonialisme que pourraient nous opposer les peuples arabes.
N'entendent-ils pas les appels des rebelles libyens, mais aussi de la Ligue arabe, de l'Organisation des Etats islamiques, du Conseil de coopération du Golfe ? Tous demandent une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies pour imposer une zone d'exclusion aérienne. Les dirigeants arabes l'ont compris : s'ils veulent avoir leur mot à dire sur l'avenir de la région (et pour pas mal d'entre eux, s'ils veulent sauver leur place), ils ne peuvent pas être du côté des dictateurs qui écrasent leur jeunesse en révolte.
On ne sait quel sera l'avenir du "printemps arabe". On ne sait quelles forces constitueraient le pouvoir libyen de "l'après-Kadhafi". On ne sait quel rôle joueront les islamistes dans les pays de la région. Mais une chose est sûre : que la démocratie vienne ou non, que cela prenne six mois ou vingt ans, la jeunesse arabe aspire à la liberté. Et elle n'oubliera pas les pays et les dirigeants qui, par leur inaction, se seront de facto rangés aux côtés du bourreau.
Les insurgés, qui ont crié "Vive la France !" et "Vive l'Europe !" à l'annonce de la reconnaissance du Conseil national libyen par le président Sarkozy et le Parlement européen, sont maintenant désespérés. Ils sont peu armés, peu entraînés, très vulnérables à l'artillerie lourde déployée par Kadhafi.
Pouvons-nous continuer à regarder chaque jour l'inexorable reconquête du dictateur ? Faut-il attendre, comme le préconisent certains, que l'on ait atteint un niveau de massacre suffisant ? A combien de corps ensanglantés chiffre-t-on le seuil d'intolérance ? Si nous n'intervenons pas, que ferons-nous quand le dément aura repris le pouvoir ? Sommes-nous déjà résignés à nous dire, comme après les horreurs du Rwanda : "Hélas, nous étions impuissants. Hélas, nous avons été lâches" ?
Nous ne sommes pas des experts militaires, pas davantage diplomates professionnels. Au nom de quoi lançons-nous ce SOS ? Au nom de la mémoire. Lorsque l'aviation nazie et les fascistes espagnols bombardèrent les habitants de Guernica le 26 avril 1937, le monde civilisé laissa faire. Picasso peignit cette horreur, il ne fut compris que huit ans plus tard. Aujourd'hui encore, les massacreurs ont un temps d'avance sur l'opinion mondiale.
Nous ne savons pas quelle est la meilleure manière d'intervenir, celle qui serait la plus efficace, la moins risquée pour nos soldats et les populations civiles. Personne ne demande ni ne souhaite de débarquement d'armées occidentales en Libye. Faut-il bombarder des pistes d'atterrissage, des systèmes de radars ? Prendre le contrôle du ciel libyen ? Détruire la flotte aérienne par des frappes ciblées ? Brouiller ses systèmes de communication ? Nous ne savons qu'une chose : il faut intervenir vite. Agir pour redonner espoir et force aux rebelles, affaiblir Kadhafi, l'inquiéter sur son avenir et sa sécurité, bloquer sa sauvagerie, rassurer les jeunesses arabes qui croient encore que le changement est possible et que les dictateurs ne l'emportent pas toujours.
Nous demandons donc d'urgence au gouvernement français de tout faire avec ses partenaires pour que l'ONU respecte son engagement "responsibility to protect", et que l'Europe prenne ses responsabilités et prouve que son souhait de voir partir le colonel libyen n'est pas un voeu pieux. Il faut obtenir de toute urgence une réunion du Conseil de sécurité pour qu'il donne mandat à une intervention. Mais qu'il ne serve pas une fois de plus d'alibi à notre inaction face au crime.
Il n'appartient pas aux gouvernements russe et chinois de nous contraindre à laisser massacrer la démocratie libyenne. C'est maintenant, tout de suite, qu'il faut agir. Maintenant, tout de suite, qu'il faut en finir avec le bourreau.
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