Source : Le JDD
Le débat sur le "ni-ni" (ni Front national, ni front républicain) a provoqué des dégâts considérables dans la majorité et aujourd'hui, les centristes semblent vouloir s'émanciper de plus en plus.
Le navire UMP fracassé contre l’iceberg Le Pen. Le parti majoritaire vient sans doute de connaître l’une de ses pires semaines depuis le début du quinquennat Sarkozy. Les hésitations sur la consigne de vote UMP en cas de duel PS/FN ont révélé la fracture qui le traverse en profondeur. D’un côté, il y a ceux qui, observant la volonté présidentielle, ont prôné le "ni-ni" (ni Front national, ni front républicain), se refusant à appeler à voter socialiste. De l’autre, ceux qui ont clairement indiqué – tels les ministres Nathalie Kosciusko-Morizet, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse et Roselyne Bachelot, mais aussi l’ancien numéro deux du gouvernement Jean-Louis Borloo – qu’ils choisiraient le vote républicain.
Que les motivations en soient morales ou stratégiques, ces prises de position, avec en toile de fond les dérapages contrôlés du nouveau ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, déchirent l’UMP "ce grand corps malade", selon une voix centriste. Il n’est qu’à voir comment François Fillon a été accueilli, mardi matin, en réunion de groupe à l’Assemblée. La veille, le Premier ministre avait fait "fuiter" par son entourage sa prise de position. Lui, le gaulliste social, indiquait qu’il fallait voter "contre le FN". Chez les députés UMP, surtout ceux qui ont œuvré pour son maintien à Matignon en novembre dernier, la "trahison" passe mal. Pour la première fois, le Premier ministre les a collectivement déçus.
Chacun dans leur circonscription, ils ont constaté, dimanche dernier, la porosité entre les électorats UMP et FN et estimé qu’il ne valait mieux pas installer de digues trop étanches pour que "les égarés" puissent revenir. Pour Christian Vanneste, l’un des chefs de file du collectif de la Droite populaire, si Fillon ne les a pas compris, c’est simplement "parce les élus de l’Ouest ne sont pas confrontés au FN". Mardi, l’homme de la Sarthe s’est dépêché de faire machine arrière, affirmant n’avoir aucune divergence avec le chef de l’État. N’empêche, l’épisode a fortement agacé… jusqu’à l’Élysée. "Fillon s’est éloigné du centre de gravité de l’UMP, cela avait pourtant été suffisamment difficile de trouver une ligne. Là, c’était clair et chacun pouvait affiner sur le plan local", soupire un ténor de la majorité.
Borloo veut incarner "le pôle de stabilité de la majorité"
Mais où situer aujourd’hui le centre de gravité d’une UMP en grande tension, voire au bord de l’implosion? Le parti de Copé est tiraillé entre ceux, notamment de la Droite populaire, qui semblent prêts, dans un avenir proche, à discuter avec le FN et –pourquoi pas?– former une coalition à l’italienne, et les centristes qui, derrière Jean-Louis Borloo, sont au bord de la rupture. "L’UMP, telle qu’elle a été mise en œuvre, a mis la droite à découvert sur les deux fronts, note l’ancien député européen Jean-Louis Bourlanges. Les thèmes traditionnels du RPR ont été récupérés par le FN et les thèmes centristes seront récupérés par la droite du PS, si les centristes ne se reconstruisent pas en un pôle autonome." Un député pourtant proche de Copé, acquiesce à voix basse: "Je ne pensais pas dire cela un jour mais je crois vraiment que l’UMP, telle qu’on l’a faite, était une erreur. On aurait dû laisser s’exprimer les centristes pour que le message soit plus équilibré."
Trop tard. Les circonstances renforcent l’entreprise Borloo qui veut incarner "le pôle de stabilité de la majorité". En privé, le potentiel candidat à la présidentielle balaie les rumeurs sur son éventuelle nomination à Matignon après les cantonales, affirmant ne plus croire en un quelconque changement de cap de la part de Sarkozy. Le 7 avril, jour de son invitation sur le plateau de À vous de juger, mais aussi celui de ses 60 ans, le député du Nord pourrait annoncer son émancipation de l’UMP. De manière pointilliste, il a déjà préfiguré ce départ : en organisant la fronde parlementaire contre la déchéance de la nationalité, en refusant une nouvelle fois, selon ses dires, le Quai d’Orsay lors du dernier remaniement, en se prononçant, dès lundi dernier, pour un vote à gauche en cas de duel FN-PS.
Dernière "rupture" en date: il s’est rendu vendredi à la Grande Mosquée de Paris. Une centaine de figures de la communauté musulmane y avaient été réunies à l’initiative de Dalil Boubakeur. Borloo a dit comprendre "leur grande peine" au sujet du débat sur la laïcité et leur a aussi présenté "des excuses". Très ému, le recteur a demandé: "Êtes-vous seul, monsieur Borloo?" L’ex-ministre de l’Écologie a répondu par la négative
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