jeudi 29 mars 2012

Le paradoxe Bayrou par Alain Duhamel

Bayrou à la recherche d'un second souffle
Par Alain Duhamel

La chronique du 27 mars 2012

Malgré son grand meeting du Zénith à Paris dimanche dernier, François Bayrou semble avoir du mal à trouver son second souffle. Vous avez une explication ?

François Bayrou, c'est un paradoxe vivant. Dans les sondages, il est aujourd'hui l'homme politique que les Français trouvent le plus sympathique et auquel ils reconnaissent le plus de stature. On sait bien que s'agissant de François Hollande, ils lui reconnaissent, ils lui accordent plus de sympathie que de stature. Que s'agissant de Nicolas Sarkozy, plus de stature que de sympathie. François Bayrou, lui, il a les deux. Donc, théoriquement, c'est une position qui devrait être privilégiée.

L'ennui, c'est qu'elle ne se traduit pas du tout dans les intentions de vote et qu'aujourd'hui, il a l'air d'être encalminé autour de quelque chose comme 12%. La réalité, c'est qu'il a commis une erreur de stratégie et qu'il propose à la fois une volonté de rassemblement et d'unité mais qu'il se refuse à avoir des alliés et qu'il tire de façon symétrique aussi bien sur la gauche que sur la droite . Donc, il fait un rassemblement autour de lui. C'est ce qu'on appelle un rassemblement solitaire.

12% d'intentions de vote, dites-vous. La dernière enquête Ipsos le place donc en cinquième position avec 11,5% au premier tour. C'est très loin évidemment de ses ambitions. On est à 28 jours du scrutin. Il a encore une marge de progression ?

La dernière fois, il avait obtenu 18,5%, ce qui était un très beau score. Il avait terminé le troisième. Là, il faut dire les choses comme elles sont. Il avait fait un pari au départ. Ce pari, c'était celui d'un effondrement de Nicolas Sarkozy. Il pensait que Nicolas Sarkozy s'effondrerait et qu'il apparaîtrait comme le candidat de substitution et qu'il battrait au second tour François Hollande.

L'ennui, c'est qu'il y a un petit effritement régulier de François Hollande, mais que François Hollande reste très haut. Que Nicolas Sarkozy, en gros, est devenu maintenant à la hauteur de François Hollande. Quelquefois un tout petit peu derrière, quelquefois un tout petit peu devant mais, en gros, à la hauteur. En tout cas, de ce côté là, il n'y aucun effondrement. Il n'y a que quand on regarde ceux qui sont les rivaux dans les sondages de François Bayrou.

Marine Le Pen est évidemment poussée par l'affaire de Toulouse et toutes les polémiques qu'il y a autour de ça, bien entendu. Et que Jean-Luc Mélenchon est l'homme à la mode, celui dont on parle le plus et celui qui en tout cas, dans les sondages, progresse réellement. Donc, la marge de progression de François Bayrou, elle a l'air assez limitée.

Alain, sur le fond quand même, hier dans le Loiret et dimanche au Zénith, il a de nouveau insisté, François Bayrou, sur le produire et consommer français. Ce n'est pas un peu court ça comme programme ?

Oui, mais ce n'est pas son programme. C'était plutôt son slogan ou c'était plutôt la façon qu'il avait choisie de vouloir marquer la campagne, même si c'était assez réducteur et si c'est évidemment beaucoup plus facile à dire qu'à faire. Mais évidemment, il a d'autres idées. Il veut moraliser la vie politique, il veut réduire les déficits et combattre la dette. Il veut faire une réforme fiscale. Il a des idées en matière d'éducation. Il y a même une atténuation de ses positions et en ce moment il parle aussi de République solidaire, pour être un peu plus social. Mais c'est vrai qu'il est plus à l'aise dans les principes et les valeurs que dans les mesures pratiques.

Tiens, Alain, j'ai vu ce matin dans "Le Figaro" que Valérie Pécresse, la porte-parole du gouvernement, n'excluait pas l'hypothèse Bayrou à Matignon en cas de victoire de Nicolas Sarkozy.

En cas de victoire de Nicolas Sarkozy, moi je parierais plutôt sur Alain Juppé que sur François Bayrou. Mais ce qui est vrai, c'est que si François Bayrou a peu d'espérance de se qualifier lui-même au second tour, en réalité, il jouera un rôle très important pour le second tour parce qu'il aura le choix entre trois solutions : ou bien refuser de choisir entre les deux mais après il n'existera plus, ou bien choisir l'alliance avec François Hollande, mais François Hollande s'intéresse plutôt à Jean-Luc Mélenchon pour l'instant ; ou bien soutenir Nicolas Sarkozy, ce qui ne va pas de soi quand on l'avait traité d"'enfant barbare". Alors, il faudra expliquer comme l'enfant barbare est devenu par exemple un adulte civilisé.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire