mercredi 14 décembre 2011

Sommet de Bruxelles : L'accord de la semaine dernière ne résoud pas la crise

Je suis guère surpris de la réaction des différentes places boursières. L'accord de la semaine dernière avait été présenté comme historique, décisif et allant régler la crise, mais il manquait un volet important pouvant rassurer les marchés quant aux garanties immédiates pouvant être données aux Etats endettés et souhaitant avoir des prêts intéressants. On ne peut pas prendre des mesures strictes sur le long terme sans solutionner le quotidien...


Source : Le Point

Sommet de l'UE - Après l'accord, le cauchemar continue


Les Européens ont communiqué sur la discipline budgétaire qui était déjà largement renforcée, sans régler le problème de la dette.


L'Europe vient de boucler son énième sommet de crise. Après une nuit de négociation intense, les États membres de l'UE - à l'exception du Royaume-Uni - ont accouché d'un projet d'accord intergouvernemental se résumant, pour l'essentiel, à renforcer la discipline budgétaire. À l'avenir, les sanctions contre les pays qui dépasseront le seuil de 3 % de déficit seront automatiquement déclenchées, sauf si une majorité qualifiée d'États s'y oppose.

Après le sommet du 21 juillet, actant la mise à contribution des créanciers privés pour aider la Grèce, celui du 27 octobre sur la recapitalisation des banques et le renforcement du Fonds de secours de la zone euro, il restera donc celui du 9 décembre sur la gouvernance économique de l'Union européenne. Les investisseurs vont-ils enfin reprendre confiance ? Rien n'est moins sûr.

D'abord parce que l'incertitude plane sur l'application du projet. Et pour cause : le "nouveau traité" devra être validé dans chaque pays, même s'il ne devrait pas être nécessaire de passer par des référendums de ratification. En France, François Hollande a déjà annoncé sa volonté de renégocier s'il était président de la République...


Des mesures déjà vues


Ensuite parce que l'essentiel des mesures avait déjà été annoncé. Le projet d'accord ne fait que reprendre un paquet législatif, surnommé "Six Pack", adopté à l'échelle de l'Union européenne et qui doit entrer en vigueur... le 13 décembre. Celui-ci prévoyait déjà des sanctions quasi automatiques contre les pays qui dépassent l'objectif de 3 % de déficit budgétaire et même une surveillance des déséquilibres extérieurs des États membres ! Au point que Sylvie Goulard (MoDem), une des rapporteurs Six Pack au Parlement européen, s'interroge dans une interview accordée au Cercle des Européens : "Remettre l'ouvrage si rapidement sur le métier, avant même qu'il n'entre en vigueur, est-ce de nature à nous rendre plus crédibles vis-à-vis des marchés ? J'ai un petit peu la crainte que nous donnions le tournis à ceux qui nous écoutent. Il peut toujours y avoir une fuite en avant dans l'affirmation de règles très dures mais qu'on n'applique pas."


Pire, l'accord du 9 décembre ne traite que partiellement l'urgence. "Le renforcement de la gouvernance économique de la zone euro est une bonne décision, mais cela n'aura un impact qu'à moyen ou long terme", regrette ainsi Ilaria Maselli, chercheuse au Centre d'études sur les politiques européennes (Center for European policy studies). Le texte cherche en effet seulement à éviter de nouveaux dérapages budgétaires, mais ne règle en rien le problème de la soutenabilité des dettes européennes. Beaucoup d'analystes pensent que celles de la Grèce, de l'Irlande et du Portugal seront difficilement remboursées, malgré les aides européennes.

Toujours pas de pare-feu opérationnel


Et l'Espagne et l'Italie pourraient à leur tour appeler à l'aide en 2012. Elles vont en effet devoir refinancer des montants importants de dette l'année prochaine. À elle seule, la Botte va devoir emprunter 440 milliards d'euros dont 200 milliards avant mars (à court, moyen et long terme) contre 420 milliards cette année. Lundi, Rome a été obligée de payer 5,9 % de taux d'intérêt pour émettre 7 milliards d'euros à un an, un chiffre en très légère baisse par rapport au record atteint le 10 novembre, (6,087 %).


Face à cette situation, les chefs d'État ou de gouvernement de la zone euro envisagent d'accorder jusqu'à 200 milliards d'euros de ressource au FMI pour que celui-ci puisse ensuite accorder des prêts aux pays en difficulté. Reste à savoir d'où viendra l'argent et si cette somme sera suffisante pour soulager le pays sous pression... Les Européens comptent sur un abondement de la part d'autres pays, mais rien n'est encore confirmé. Bref, le pare-feu tant attendu n'est toujours pas opérationnel.


Plus efficace a sans doute été la décision d'adoucir les conditions imposées aux créanciers privés en cas de recours au futur Mécanisme européen de stabilité (MES) qui devrait remplacer le Fonds européen de stabilité financière (FESF) dès 2012. Il n'y aura finalement pas de pertes automatiques infligées aux créanciers privés lorsqu'un pays fera appel à l'aide européenne, comme cela était envisagé jusqu'à présent. La France a réussi à convaincre l'Allemagne de la nocivité de cette décision prise en 2010 au sommet de Deauville : en annonçant aux investisseurs qu'ils seraient les premiers à prendre leur perte, les dirigeants européens avaient en effet provoqué leur fuite vers d'autres actifs. Mais cela ne signifie pas non plus que les créanciers privés seront désormais à l'abri. En cas de restructuration de la dette, le MES restera prioritaire pour le remboursement... avec le risque d'entretenir la défiance des investisseurs.


Moody's maintient la pression


Moody's ne s'y est pas trompée. L'agence de notation a souligné l'absence de mesures décisives prises lors du sommet européen la semaine dernière pour justifier une possible dégradation de ses notes au premier trimestre 2012. Elle a même dénoncé le "peu de mesures nouvelles" et la "similitude avec celles annoncées précédemment". Pire, selon elle, les faibles avancées de l'accord reflètent "la tension persistante entre les dirigeants européens" sur la nécessaire aide à apporter aux pays fragilisés. De fait, la Banque centrale européenne a douché les espoirs de ceux qui s'attendaient à un renforcement de ses rachats de dettes souveraines sur le marché secondaire. L'Allemagne a de son côté réussi à rejeter l'idée, soutenue par la France, de transformer le FESF en banque pour en faire le prêteur en dernier ressort des États.


Nicolas Sarkozy se veut d'ailleurs lucide. Les annonces européennes ne devraient pas empêcher une autre agence de notation, Standard and Poor's, de dégrader la France rapidement, après l'avoir placée la semaine dernière sous surveillance négative. "Nous affronterions cette situation avec sang-froid et calme", a expliqué le chef de l'État lundi dans Le Monde. "Ce serait une difficulté de plus, mais pas insurmontable (...). Ce qui compte avant tout, c'est la crédibilité de notre politique économique et notre stratégie déterminée de réduction de nos dépenses", a-t-il ajouté. Une façon de préparer les esprits à ce qui paraît désormais inévitable.


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