mercredi 26 janvier 2011

La bataille du centre : mode d'emploi

Source : Le Monde

Hervé Morin, Jean-Louis Borloo, François Bayrou, voire Dominique de Villepin… L'espace du centre, pour la présidentielle de 2012, fait beaucoup d'envieux. Dans ce jeu de positions, il n'est pas toujours facile d'y voir clair.

Point d'étape, alors que la tectonique des plaques est en mouvement cette semaine, avec l'annonce de la création d'une confédération centriste, autour d'Hervé Morin et de Jean Arthuis, jeudi 27 janvier. Un jeu de mouvement qui se joue sous l'œil attentif de Nicolas Sarkozy, qui arbitre en coulisse les élégances.

Hervé Morin.
Le patron du Nouveau centre est le premier à être sorti du bois, après le fiasco des élections régionales de mars 2010. Encore ministre de la défense, il a dévoilé ses ambitions présidentielles, suscitant le courroux du président. Cela lui a valu, selon lui, son éviction du gouvernement.

M. Morin fut le bras droit de François Bayrou, avant de prendre ses distances entre les deux tours de la présidentielle de 2007, lorsque le Béarnais a refusé d'appeler à voter pour Nicolas Sarkozy. Le député de l'Eure est, lui, resté ancré sur sa droite et entend bien le rester. S'il se présente en 2012, il ne fait pas mystère qu'il appellera, au second tour, à voter pour M. Sarkozy.

L'ex-ministre de la défense a tenté de convaincre le président qu'il pouvait être celui qui allait le faire gagner, en ramenant à lui les modérés qui se sont éloignés. Peine perdue. Pour l'Elysée, M. Morin se contenterait de prendre quelques voix de droite au premier tour, sans en apporter au second.

Avec le Nouveau centre, qui possède un groupe parlementaire, M. Morin devrait théoriquement posséder une bonne rampe de lancement. Mais la plupart des députés de son propre camp craignent d'entrer en rupture avec le président. Et soutiennent plus ou moins ouvertement Jean-Louis Borloo, moins va-t-en guerre. Le chef de l'Etat, qui a reçu M. Morin mardi 25 janvier, s'attache à ne pas le laisser se radicaliser.
Jean-Louis Borloo.
C'est l'énigme du moment. Veut-il vraiment se présenter ou joue-t-il les utilités pour M. Sarkozy ? Ses amis le décrivent "enthousiaste", mais pas encore " "décidé". Les partisans de M. Morin estiment, quant à eux, qu'il fera ce que désire M. Sarkozy. Il ne se présentera, selon eux, que si le président le lui demande, pour siphonner des voix de gauche. Mais, pour l'heure, l'Elysée n'a pas changé de tactique : le chef de l'Etat ne souhaite pas d'autres candidats de la majorité que lui-même.

L'arrivée sur scène de M. Borloo s'est faite à l'occasion du remaniement. Evincé de la course à Matignon, il s'est immédiatement repositionné en leader des centristes de la majorité, qui s'estiment, depuis plusieurs mois, insuffisamment écoutés.

Lors de ses vœux à la presse, le 19 janvier, M. Borloo, président du Parti radical, a annoncé la création d'un comité regroupant "l'ensemble des sensibilités radicales, républicaines, sociales, écologistes". Un premier pas vers le projet d'une confédération du centre, qu'il a promis de porter. Un projet cher au nostalgique de l'ex-UDF. Pour le contrer, M. Morin monte sa propre confédération…

La route, pour M. Borloo, reste longue. Ses partisans tentent toujours de faire valoir auprès de M. Sarkozy que sa candidature lui serait utile. L'ancien ministre de l'écologie, lui, essaie de convaincre les sceptiques qu'il n'est pas un "sous-marin" du président, qu'il voit régulièrement. Il explique même dans les couloirs de l'Assemblée nationale qu'il peut devancer M. Sarkozy au premier tour, si la gauche, dans la crainte d'un nouveau 21 avril 2002, ne présente pas de candidat écologiste.

François Bayrou.
Exsangue après les élections régionales, le patron du MoDem a retrouvé, ces derniers mois, quelques raisons d'espérer. Fidèle à sa ligne ni droite ni gauche, il raille avec constance le "panier de crabes" où s'ébattent ses anciens amis, martelant que lui seul est en mesure d'incarner un centre indépendant et que les anciens ministres de M. Sarkozy se sont disqualifiés.

Le Béarnais, après son "ictus" lors d'un passage au Grand Journal de Canal+, mi-décembre, a fait sa rentrée politique, sans faire trop de bruit. D'abord "sonné", selon ses proches, il s'est remis en selle. Mais la mécanique de la campagne de 2012 n'est, au MoDem, pas encore vraiment lancée. M. Bayrou reste en marge des grandes manœuvres et attend son heure.

L'ombre de M. Sarkozy plane aussi au-dessus du Béarnais. Le chef de l'Etat sait qu'il pourra difficilement faire l'économie de la candidature de M. Bayrou, et qu'il n'en faut pas d'autre au centre. Ce peut être la chance du troisième de 2007, qui veut toujours croire en son étoile.

Dominique de Villepin.
L'ancien premier ministre de Jacques Chirac n'est pas centriste. Mais il vise, dans ses discours, outre les farouches opposants de droite à M. Sarkozy, le même électorat modéré. Sera-t-il vraiment, lui aussi, sur la ligne de départ de 2012 ? Il assure travailler à un projet et ne s'économise pas. Vendredi 28 janvier, il sera à Grenoble où il participera avec Ségolène Royal au Forum de Libération.
Mais, pour lui aussi, la suite est un point d'interrogation. M. Sarkozy, prétextant une série d'entretiens avec ses prédécesseurs et les anciens chefs de gouvernement sur le thème du G20, l'a invité à l'Elysée. La rencontre, dont la date reste inconnue, devrait se faire dans les prochains jours. Les deux hommes ne se sont plus rencontrés depuis plus de 850 jours…

C'est, clairement, une main tendue, après une période de violents affrontements indirects où M. de Villepin a multiplié les attaques contre le chef de l'Etat, épinglé comme "problème de la France", tandis que M. Sarkozy s'est ingénié à récupérer un à un les soutiens de l'ancien premier ministre.

Une paix des braves est-elle possible, avant le procès en appel de l'affaire Clearstream, en mai ? Les anciens proches de M. de Villepin passés en Sarkozie veulent le croire. Lui a fait savoir qu'il n'est pas "achetable". Les postures résisteront-elles à des intérêts partagés ? M. Sarkozy veut partir vers 2012 à la tête d'un camp rassemblé. M. de Villepin, esseulé, peut être tenté de trouver une porte de sortie honorable. Tout reste à écrire. "En juin, les choses se seront décantées", estime un proche de M. de Villepin.

http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/01/26/la-bataille-du-centre-mode-d-emploi_1470633_823448.html

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire