mardi 4 mai 2010

Combien va coûter à la France le plan d'aide pour la Grèce ?

Source : Le Monde
Seize milliards huit cent millions d'euros : c'est la somme que la France va prêter à la Grèce sur trois ans pour l'aider à sortir de la crise. Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI), a souligné "l'incroyable effort de solidarité" des pays de la zone euro qui vont prêter 80 milliards d'euros à leur voisin européen, sous la menace d'une nouvelle attaque des marchés financiers.

"Un incroyable effort" ? Le prêt n'a pourtant rien d'un cadeau. La France est "en mesure d'emprunter sur les marchés entre 3 % et 3,3 %. Or elle devrait faire à la Grèce un prêt à 5 %, s'accordant au passage deux points de bénéfice", rappelle Eric Heyer, économiste et directeur adjoint de l'Observatoire français de la conjoncture économique (OFCE). "La France se rémunérera environ 200 millions d'euros par an", prévoit Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE.

"DISCUTABLE SUR LE PLAN ÉTHIQUE"

Mais la Grèce sera-t-elle en mesure de rembourser ? "Le taux d'intérêt rémunère le risque, justifie Christine Lagarde, ministre de l'économie, dans Le Monde. Et nous ne voulons pas prêter à des conditions super-attractives, pour ne pas encourager le vice." La Grèce paye donc le fait d'être une cible des marchés financiers et d'avoir été "tardivement secourue par ses pairs et le FMI", estime Eric Heyer. "Aujourd'hui, le pays va devoir subir un plan d'austérité terrible qui pourrait conduire le pays en récession, une récession qui entamera sa capacité de remboursement", prévient l'économiste.

Que la Grèce soit amenée à payer des intérêts, notamment à la France, est "très discutable sur le plan éthique", ajoute Eric Heyer. "Que des investisseurs privés veuillent se rémunérer, c'est normal. Mais pour les Etats, ce plan vise à ne pas renouveler une crise des subprimes. Dans ce cadre, le prêt de la France devrait être neutre pour permettre à la Grèce de se redresser plus vite. Mais une partie du plan d'austérité servira a rémunérer l'argent français", regrette-t-il.Le risque pris par la France en prêtant plus de 16 milliards à son voisin européen est "évalué comme très élevé par les marchés", souligne pour sa part Agnès Benassy-Quéré, économiste et directrice au Centre d'études prospectives et d'informations internationales. Même si cela n'est rien au regard de ce qu'aurait coûté à la France un défaut de paiement de la Grèce, sans intervention de l'UE et du FMI.

La problématique est la même pour les autres pays européens. "Le Portugal va prêter à la Grèce à un taux inférieur à celui auquel il emprunte pour son compte", s'enthousiasme ainsi Dominique Strauss-Kahn. "Lisbonne est obligé de participer et de faire preuve de solidarité", relativise Agnès Benassy-Quéré. "Simplement parce que le Portugal est potentiellement la prochaine cible en cas d'attaque des marchés financiers."

Eric Nunès

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