mardi 27 avril 2010

Les agriculteurs au bord du gouffre

Source : 20 minutes

SOCIAL - Le taux de suicide de la profession est l'un des plus élevés...


Début avril, 400 femmes et leurs enfants défilent en silence à Poitiers. Leur but: médiatiser les 804 suicides d'agriculteurs dénombrés par l'Association des producteurs de lait indépendants (Apli), en 2009. Un chiffre difficile à confirmer à cause des cas non répertoriés et du manque d'études sur le sujet. Le rapport de l'Institut national de veille sanitaire de 2006, qui s'intéresse aux décès de 1968 à 1999, révèle que le taux de suicides du secteur est l'un des plus forts du monde du travail. «Mais cela dépend des régions et des périodes», souligne la sociologue Marie Jacqué, qui a entamé une nouvelle recherche.



«Ce n'est plus tenable»


Pascal Massol, président de l'Apli, rencontre «trop souvent des paysans au bout du rouleau». En cause: les difficultés économiques. Des prix en chute libre, des investissements pour se mettre aux normes européennes... Et «c'est la spirale infernale», raconte Sébastien Itard. Ce producteur de lait a «pété les plombs» en mars. Son exploitation étant en cessation de paiement, il a tenté de mettre fin à ses jours. Il a passé quelques jours en maison de repos. Depuis, il attend un repreneur. Vendre 270 euros une tonne de lait qui lui en coûte 320, «ce n'est plus tenable». Une baisse de revenus au cœur de la manifestation d'aujourd'hui.


Environ 5.000 agriculteurs et 1.300 tracteurs sont attendus à Paris, céréaliers en tête. «Il faut une aide d'urgence pour nous aider à passer le cap, puis réfléchir à long terme », assure Thierry Lahaye du syndicat des Jeune Agriculteurs. Si rien n'est fait, un quart des agriculteurs déposeront le bilan avant la fin de l'année, selon Michel Masson, vice-président de la FNSEA, premier syndicat agricole. Et les drames se multiplieront. Mais «le suicide ne peut pas être résumé aux difficultés financières», affirme François Purseigle, sociologue. Car l'agriculteur doit aussi faire face à une remise en cause de sa pratique. Avec les pesticides ou les OGM, «c'est son identité même, la qualité de sa production, qui est attaquée», corrobore Marie Jacqué. En attendant, quand Thierry Lahaye part le matin, «ce n'est pas pour gagner [sa] vie mais pour essayer de ne pas la perdre».



Lucie Soullier


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