jeudi 29 avril 2010

La pauvreté se radicalise en Rhône Alpes

Source : Lyon Mag
La Mission Régionale d’Information sur l’Exclusion a présenté mercredi son rapport intitulé «Pauvreté, précarités, exclusions en Rhône-Alpes» (1). Et si l’appauvrissement des rhônalpins se stabilise, la paupérisation des personnes les plus pauvres continue. Bruno Lachnitt, directeur de la MRIE met aussi en garde : les chiffres présentés ne prennent pas en compte les effets de la crise. Car, si le rapport 2010 confirme les disparités, celui de 2011 pourrait révéler de nouveaux foyers de pauvreté.
Interview.

Lyon Mag : Au regard du rapport rendu public mercredi, que peut-on dire sur la situation des rhônalpins ?
Bruno Lachnitt : Les rhônalpins pauvres s’appauvrissent. Il n’y a pas nécessairement, sur les chiffres dont on dispose, et qui datent d’avant la crise, plus de rhônalpins en situation de pauvreté. Mais les situations de pauvreté sont plus radicales. Nous avons des indicateurs plus qualitatifs de terrain, qui laissent penser que l’effet de la crise favorise une augmentation de ces personnes ou des personnes fragilisées. Mais nous n’avons pas aujourd’hui ces chiffres, puisqu’il y a un décalage entre l’observation statistique et la réalité vécue puisque les chiffres du rapport présenté ce jour prend en compte les observations sur l’année 2008.
Il faut donc s’attendre à une augmentation de ces chiffres dans les années à venir ?
On peut le penser. Ce sera en tout cas très intéressant à regarder de près quand on aura les chiffres de 2009. L’impact de la crise, du chômage, ne peut pas être neutre sur la situation de pauvreté des rhônalpins. Il y a des effets durables au niveau de l’industrie, qui ne vont pas être corrigés en l’espace d’un an. Nécessairement, cela risque d’avoir des conséquences. On a vu par exemple que le gouvernement avec les partenaires sociaux a dû trouver un accord sur la question des chômeurs en fin de droit. On verra si cette mesure permettra à un certain nombre de ménages d’éviter le basculement dans la pauvreté. C’est en même temps une mesure transitoire. Que va-t-il se passer derrière ? Ce sera très intéressant de suivre dans un an l’évolution d’un certain nombre de chiffres par rapport à cette problématique, mais on peut avoir des craintes.
Vous nous disiez que les pauvres s’appauvrissent. l’étape suivante est-elle l’appauvrissement des personnes prétendues stables ?
Ce n’est pas évident. Le seuil de pauvreté correspond à 50% du revenu médian. Si un nombre important de personne sans emplois se retrouvent juste au dessus du seuil, cela n’aura pas d’impact sur nos chiffres.
Leur vie de tous les jours sera quand même plus compliqué ?
Evidemment. Mais on ne pourra le mesurer par une augmentation du nombre de personnes sous le seuil de pauvreté. Ma crainte se porte plus, et c’est une des préoccupation de la MRIE, sur les personnes en situation de grande pauvreté. Leur situation se radicalise. les coûts du logement augmentent plus vite que leurs ressources. L’impact de la crise va aussi se ressentir pour ces personnes plus durement. Leurs chances d’accéder à un emploi s’amenuisent du fait que d’autres, plus qualifiés, vont leur passer devant. Ces personnes là risquent aujourd’hui d’être oubliées. Les pouvoirs se soucient plus de ceux qui arrivent en situation de pauvreté. On risque de normaliser cette pauvreté : ils sont pauvres, ils ont toujours été pauvres. Il y a une vraie crainte que la situation de crise durcisse encore la situation pour ceux qui sont les plus pauvres.
Les jeunes et les femmes ressortaient du lot dans le précédent rapport, qu’en est-il cette année ?
C’est toujours compliqué de parler en terme de généralité. Parmi les personnes en situation de pauvreté, la part des jeunes et la part des femmes est importante. Le nombre de famille monoparentale parmi les ménages pauvres est beaucoup plus important sur l’ensemble de la population. Il s’agit dans la plupart des cas de femmes seules qui élèvent seules leurs enfants. La monoparentalité est un facteur aggravant de pauvreté, et les femmes sont le plus souvent concernées par le temps partiel subi, le sous-emploi, la déqualification. Pour les jeunes, il est difficile d’en parler en général. Il y a des jeunes de toutes sortes. Pour eux, l’accès au logement et à l’emploi est globalement de plus en plus compliqué. Et parmi ceux-là, il y a les jeunes en grande pauvreté. On constate une radicalisation. On le voit au niveau de l’hébergement d’urgence. Il y a de plus en plus de jeunes à la rue, et de plus en plus jeunes. C’est un élément inquiétant. Le contexte de l’emploi tel qu’il se présente aujourd’hui amenuise les chances d’accès au premier emploi pour un jeune.
Remarquez-vous un certain renoncement dans la démarche de ces jeunes à aller vers une stabilité ?
Les acteurs de terrain nous le disent. Il y a plus d’apathie et de découragement. Certains acteurs de terrain nous disent qu’ils préféraient quand les jeunes étaient en colère, et non pas désabusés. Des jeunes qui voient leurs parents sans boulot, qui voient des personnes un peu plus âgées, à bac +3, bac +4 qui travaillent dans les fast-foods, cela ne les motive pas beaucoup. C’est en cela très inquiétant.
Cela a des conséquences autres que sur leur avenir ?
Quand des jeunes décrochent, le décrochage est souvent social. On peut décrocher de l’école, puis commencer à prendre moins soin de soi... Se retrouver dans une espèce d’abandon. En même temps, il faut qu’on trouve d’autres perspectives que l’emploi pour ces jeunes pour leur permettre de construire leur parcours de vie. Il n’y a pas, dans le contexte actuel, de solutions à l’emploi pour tout le monde. Il faut arriver à monter d’autres type de projets avec ces jeunes. Si on veut leur donner de l’espoir et du dynamisme, il faut plus exploiter les potentialités de chacun, sans pour autant se focaliser sur l’emploi.
(1) Ce rapport prend en compte les données mesurées sur l’année 2008

http://www.lyonmag.com/article/16017/la-pauvrete-se-radicalise-en-rhone-alpes

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