jeudi 29 avril 2010

Questions sur la crise grecque : pourquoi, jusqu’où ?

Source : Le Monde
D'où vient cette crise ? A première vue, de la Grèce et de ses mensonges d'Etat. Quand, à l'automne 2009, le gouvernement du socialiste Georges Papandréou décide de faire la vérité sur le déficit budgétaire du pays – 12,7 % du produit interieur brut (PIB) et non 6% – les marchés perdent confiance.

Les taux de la dette grecque grimpent, le pays emprunte à des coûts de plus en plus prohibitifs. "On assiste à une auto-intoxication des marchés", indique Daniel Cohen, professeur d'économie à l'Ecole normale supérieure. La Grèce met surtout en évidence un nouveau développement de la crise lié à l'endettement colossal des Etats.
Pour l'économiste Steen Jakobsen chez Limus Capital, à Copenhague, la crise trouve aussi ses racines dans les failles de l'Union monétaire: "La zone euro est une maison qui a été construite sans fondations." Selon lui, il manque "un ministère des finances européen", qui ait la capacité de contrôle et de décision supranationale.

Pourquoi la crise s'aggrave ? Depuis l'automne, la crise grecque hante les marchés, inquiets des divisions des Européens et de leur lenteur à réagir. Mardi 27 avril, une étape supplémentaire a été franchie après que l'agence de notation Standard & Poor's eut dégradé la note souveraine d'Athènes, la reléguant au rang d'"obligation pourrie". Au même moment, le ministre grec des finances Georges Papaconstantinou, indique que la Grèce "ne peut pas emprunter" sur les marchés à ces taux. En clair, Athènes redoute de faire défaut.

La Grèce peut-elle faire faillite ? Si les fonds promis par les Européens et le Fonds monétaire international (FMI) sont débloqués à temps, le risque d'un défaut à court terme est écarté. Mais la question de la solvabilité de la Grèce à plus long terme (deux à cinq ans) reste posée. L'ampleur des déficits, conjuguée à l'absence de croissance et au programme d'austérité du gouvernement, augure des temps difficiles.

"La Grèce ne pourra pas, vraisemblablement, échapper à une restructuration de sa dette", estime Bruno Cavalier, chef économiste chez Oddo. Nombre d'analystes préconisent à Athènes d'entamer volontairement des négociations avec ses créanciers pour rééchelonner ses échéances de remboursement. Mais cette initiative n'est pas sans danger, notamment pour certaines banques européennes qui risquent d'y perdre beaucoup.

Y-a-t-il un risque de contagion ? Les marchés ont le Portugal et l'Espagne en ligne de mire. Ils se concentrent sur les similitudes de ces deux pays avec la Grèce: des niveaux d'endettement public très élevés et une croissance en berne. Résultat, Lisbonne et Madrid sont à leur tour confrontés à une montée des taux d'intérêts. "Si la Grèce restructure sa dette, la pression ne fera que s'accentuer", juge Anton Brender, économiste chez Dexia Asset Management. L'Italie et l'Irlande sont aussi susceptibles d'être fragilisées.

Pourquoi l'Allemagne rechigne-t-elle à secourir Athènes ? Pendant des mois, Berlin a freiné des quatre fers à l'idée de secourir un pays qui s'est délibérément joué des règles de la zone euro. "L'Allemagne a ce côté maître d'école qui cherche à discipliner la classe européenne", note Sylvain Broyer, économiste chez Natixis. D'autant que le pays a lui-même consenti de lourds efforts depuis la réunification pour regagner en compétitivité.

Angela Merkel tient compte de l'hostilité de son opinion publique alors que se profile une élection cruciale en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le 9 mai. La chancelière allemande redoute aussi les vélléités de certains ultra-orthodoxes prêts à déposer un recours devant la Cour constitutionnelleau prétexte qu'une aide à la Grèce contrevient au traité de Maastricht. "Si la Cour de Karlsruhe est saisie, cela risque de bloquer tout le processus d'intégration européenne, explique M. Broyer. M. Merkel le sait et se bat pour que le plan de sauvetage n'apparaisse pas comme une subvention."

La Grèce peut-elle sortir de la zone euro ? Cette option a été suggérée par des députés allemands. L'idée? Un retour de la drachme avec une forte dévaluation à la clé qui permettrait de restaurer la compétitivité de l'économie grecque. Mais cette perspective reste théorique. D'abord, un tel scénario n'est pas prévu par les traités encadrant l'adhésion à la monnaie unique. Ensuite, les difficultés de la Grèce ne feraient que s'aggraver.

Avec une monnaie faible, le poids de l'endettement en euros deviendrait plus insupportable. Quant au système bancaire, il serait menacé d'effondrement. Les épargnants grecs s'empresseraient de retirer leurs avoirs des banques du pays. Celles-ci ne pourraient plus se refinancer auprès de la Banque centrale européenne (BCE). Pour toute la zone euro, les suites seraient dramatiques.

Quelles erreurs ont été commises ? Dans cette crise, l'Europe semble avoir voulu gagner du temps. Promettant à chaque nouvel accès de fièvre des marchés, un nouveau sommet, une décision, un plan de sauvetage. "Les déclarations étaient fortes, mais cela restait des déclarations", indique Natacha Valla, économiste chez Goldman Sachs.

"Les autorités européennes n'ont pas mesuré le coût de l'emballement des marchés, poursuit-elle. Or chaque journée de panique a un coût en terme de réputation et de crédibilité de la zone euro". A cela se sont ajoutées des dissensions concernant l'intervention ou non du FMI, d'abord perçue comme une "humiliation" avant d'être jugée la bienvenue. De quoi alimenter la confusion.
Marie de Vergès et Claire Gatinois

http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/04/29/questions-sur-la-crise-grecque-pourquoi-jusqu-ou_1344386_3214.html#ens_id=1268560

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