mardi 17 juillet 2012

HEURES SUPPLÉMENTAIRES - Faut-il se débarrasser des exonérations ?

Source : Le Point



Le gouvernement tourne la page de ce symbole du sarkozysme triomphant. Pragmatisme ou idéologie ?


L'Assemblée nationale va solder l'héritage fiscal de Nicolas Sarkozy.Les députés ont commencé à examiner lundi les mesures du budget rectificatif 2012 présentées par le gouvernement. Parmi les mesures les plus emblématiques figurent la suppression de la TVA sociale, l'alourdissement de la fiscalité des successions, mais surtout la disparition des exonérations sur les heures supplémentaires, symbole du "travailler plus pour gagner plus".
Une dernière initiative qui donne un angle d'attaque facile à l'UMP. La disposition-phare de la fameuse loi Tepa (travail, emploi, pouvoir d'achat) de 2007 constituera un mauvais coup porté au pouvoir d'achat des "classes moyennes", répète-t-elle à l'envi, d'autant qu'elle s'accompagne d'autres mesures qui risquent de pénaliser la rémunération de certains salariés, comme l'alourdissement du forfait social qui pèse sur l'intéressement et la participation.
Face aux coups de boutoir de l'opposition, le gouvernement reste droit dans ses bottes. Pas question de continuer à payer pour une mesure qui incite les entreprises à distribuer des heures supplémentaires, alors que le chômage est au plus haut ! D'autant que les "heures sup" sont mieux payées que les heures normales, même quand elles ne sont pas exonérées. Seuls les employeurs de moins de 20 salariés seront épargnés, conformément à la promesse de campagne de François Hollande.

Accélération du calendrier

Comme prévu lors de la présentation du collectif budgétaire, il va donc supprimer dès cette année les exonérations de charges employeurs et employés sur les heures supplémentaires, mais aussi, grâce à un amendement parlementaire, l'exonération d'impôt sur le revenu dont bénéficiaient en plus les salariés imposables. Ce dernier volet devait initialement perdurer jusqu'à l'application du budget 2013. Conséquence, la fiscalisation des heures supplémentaires effectuées jusqu'au 1er juillet 2012 pourrait donc finalement être imposée dès l'année prochaine.
Pourquoi un tel empressement ? Jean-Marc Ayrault doit à tout prix combler les trous du budget 2012, liés au ralentissement de l'activité. Or, la mesure sarkozyste coûte cher : pas moins de 4,5 milliards d'euros en 2010. Et pour un résultat somme toute mitigé, selon un rapport du Comité d'évaluation des niches fiscales et sociales de juin 2011 et une évaluation parlementaire.
L'effet sur le pouvoir d'achat des salariés n'est pas contestable : le dispositif a permis à quelque 9,4 millions de salariés de gagner en moyenne 500 euros supplémentaires par an (42 euros par mois), soit 85 % des exonérations sociales et fiscales consenties, comme le fait valoir l'UMP à juste titre. 

Un coup pour le pouvoir d'achat

Mais qui en a vraiment bénéficié ? Selon un rapport d'information parlementaire de Jean-Pierre Gorges (UMP) et Jean Mallot (PS), ce ne sont pas les salariés les plus modestes. Et pour cause : l'exonération d'impôt ne concerne que ceux qui paient l'impôt sur le revenu, ce qui exclut de fait ceux qui ne gagnent pas assez. Le profil type du bénéficiaire est un homme en emploi stable et à temps plein, gagnant quelque 1 600 euros par mois dans la métallurgie ou l'hôtellerie-restauration. Ce qui valide l'argument "classes moyennes" de l'UMP, y compris d'ailleurs dans la fonction publique. Parmi les 20 % de fonctionnaires qui en ont aussi profité, figurent avant tout des catégories B et C, c'est-à-dire les moins bien payées. Mais "l'avantage fiscalo-social est nettement croissant avec le niveau de vie, du fait de la proportionnalité des cotisations sociales, et plus encore de la progressivité de l'impôt sur le revenu", note le Comité dans son rapport. À tout le moins, l'exonération sur les heures supplémentaires "est moins ciblée sur les ménages modestes que d'autres dispositifs concourant à favoriser l'offre de travail comme la PPE et a fortiori le RSA".
Or c'est bien là l'objectif initial du dispositif, "augmenter la durée moyenne de travail" pour favoriser le plein emploi, comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi présenté à l'Assemblée nationale le 27 juin 2007 en 2007 : "L'augmentation de la durée moyenne de travail est une condition essentielle à la baisse durable du chômage et à l'augmentation de notre rythme de croissance." Et sur ce plan, l'objectif n'est pas rempli. "L'efficacité du volet de la mesure incitant au travailler plus n'a pas été constatée", écrivent les députés. Notamment parce que les "risques d'effet d'aubaine et d'optimisation ne sont pas négligeables". En d'autres termes, les entreprises peuvent avoir intérêt à déclarer des heures supplémentaires fictives, la durée du temps de travail "étant souvent déclarée d'un commun accord par l'employeur et le salarié". L'exonération des heures supplémentaire revient alors à subventionner des heures supplémentaires déjà réalisées et à substituer des heures supplémentaires subventionnées à des heures normales...

Pas d'effet sur la croissance

Des hypothèses confirmées par une étude de Stéphane Carcillo et Pierre Cahuc, pour l'Institut des politiques publiques (IPP). "En comparant l'évolution, avant et après la réforme, du nombre d'heures travaillées par les salariés transfrontaliers avec celles des salariés résidant près de la frontière tout en travaillant en France", les deux économistes indépendants observent qu'elle n'a eu aucun impact significatif sur le nombre d'heures travaillées.
À l'inverse, l'impact négatif supposé sur le chômage, brandi par le PS, n'est pas non plus démontré, selon le rapport du comité. Mais l'essentiel n'est pas là. Il est de récupérer de l'argent pour déduire le déficit à 4,5 % - Jean-Marc Ayrault espère récupérer 980 millions d'euros en 2012 et 3 milliards d'euros à compter de 2013 - tout en finançant les promesses de campagne de François Hollande et en se débarrassant d'un symbole du sarkozysme. Ou comment faire d'une pierre trois coups. 
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