dimanche 18 mars 2012

Les questions écologiques absentes de la campagne présidentielle

Source : Les Echos

Nicolas Hulot : «L'écologie est redevenue une variable d'ajustement»
« L'ensemble de la société s'est détournée » des sujets écologiques, regrette Nicolas Hulot, qui a retrouvé la présidence de sa Fondation pour la nature et l'homme. « Mais le réveil risque d'être douloureux. La crise énergétique et alimentaire touche d'abord les plus défavorisés. On n'y échappera pas », prévient-il.
Pourquoi l'écologie est-elle si peu présente dans la campagne ?
Je constate avec chagrin et consternation que cinq ans après l'avoir signé, les hommes et les appareils politiques n'ont pas travaillé sur le pacte écologique. Le niveau d'indigence de leur diagnostic et de leurs propositions est à peu près le même qu'en 2007.

L'écologie ne fait même plus partie de leur sémantique. Il n'y a de leur part, ni véritable analyse, ni vision sur la contrainte écologique. C'est redevenue une variable d'ajustement, alors que nous sommes en pleine crise économique, écologique et de civilisation, en face de laquelle les appareils et les hommes politiques ne formulent aucune proposition structurante. Il y a une orthodoxie presque crasse à vouloir rester à la fois sur les mêmes les perspectives économiques, sur notre modèle de société qui pourtant ne fonctionne plus.

Vous oubliez le Grenelle de l'Environnement.
Je ne dis pas qu'il ne s'est rien passé depuis 2007. Et n'en déplaise à certains, on ne peut pas considérer que le Grenelle soit une coquille vide et n'ait eu aucun impact. Dans le bâtiment, entre autre, nous avons gagné avec l'instauration de normes structurantes dans le neuf.

Mais le Grenelle n'était qu'une première étape. Aujourd'hui, l'actuelle majorité considère avoir rempli son devoir et s'estime mal payée en retour. D'où, chez elle, cette sorte d'exaspération sur l'environnement qui s'exprime régulièrement. A gauche, le sujet est traité à la marge alors que, vous le voyez bien, tous les signaux sont au rouge.

On ne parle plus de la crise climatique. A croire qu'elle a été réglée ! Pourtant, chacun peut comprendre que diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre, comme les responsables politiques s'y sont engagés dans le cadre du protocole de Kyoto, ne pourra pas se faire par des simples aménagements.

La crise ne joue-t-elle pas contre l'écologie ?
De la part du citoyen, le désintérêt pour l'écologie peut tout à fait se comprendre. Comment peut-on vous en faire le procès quand vous êtes à 20 ou 10 euros près par mois et quand vous manquez de visibilité sur l'avenir de vos enfants ? Par contre, il est de la responsabilité des hommes politiques, je dirais même de leur dignité, de ne pas se limiter à un catalogue de mesures à court terme cantonnées aux préoccupations quotidiennes.

Il n'y a pas de questionnement sur l'origine du creusement des inégalités, sur les raisons qui font que les ressources de la planète en matières premières s'épuisent. Cette campagne participe à une sorte de mystification générale. On se limite à déplacer les curseurs : ici un peu plus de TVA, là un peu plus de taxation des plus riches. C'est sympathique, mais c'est plus symbolique qu'efficace, surtout sans vision d'ensemble.

La question clef est occultée : comment va-t-on faire avec un budget plombé par la dette et qui ne laisse plus aucune marge aux Etats ?

Que proposez-vous ?
Il faut transgresser les dogmes. Les Etats sont-ils condamnés à subir le bon vouloir des banques privées ou n'est-ce pas le moment de redéfinir leur rôle, ainsi que celui des banques centrales ?

Nous proposons d'abord que ces dernières, à travers des banques d'investissement comme la BEI, financent la transition écologique, énergétique et sociale. Au niveau de la France, nous avons évalué à 60 milliards d'euros par an l'effort à réaliser dans les transports, le logement, l'agriculture, la biodiversité. L'austérité n'est pas la réponse à la crise écologique et ne peut se satisfaire des plans de rigueur. Il faut les accompagner de programmes d'investissements d'avenir, financés par les banques centrales à taux faible.

Ensuite, il faut aussi aller chercher l'argent là où il est, et notamment en faisant revenir dans l'économie réelle l'argent de l'industrie et de la finance qui échappe à la solidarité. Il est crucial de redonner de l'air budgétaire aux Etats pour contrer l'austérité.

L'idée d'une taxation sur les transactions financières, que j'ai portée auprès du président Chirac, m'a fait passer à l'époque pour un altermondialiste de salon. Aujourd'hui, j'observe que Nicolas Sarkozy la reprend, tant mieux, et découvre il y a dix jours que les grandes multinationales échappent en toute légalité à l'impôt sur les bénéfices. On ne peut se satisfaire d'une telle candeur sur des sujets aussi graves. Il faut multiplier les instruments de financement innovants.

Enfin, il faut taxer plus ce que l'on veut le moins et taxer moins ce que l'on veut le plus. Il faut déplacer sur cinq ans la majorité des prélèvements qui portent sur le travail vers les prélèvements sur les ressources naturelles, l'énergie et les impacts environnementaux. L'ensemble de ces mesures est indispensable, elles doivent constituer le socle du nouveau projet européen.
Vous n'évoquez pas la question nucléaire.
La question énergétique est bien plus large. C'est celle de nos besoins, de la consommation qu'il faut poser. Le premier chantier d'Europe est celui de l'efficacité énergétique. Il faut mettre tous les moyens pour réduire notre consommation et simultanément notre production énergétique. Au moment du Grenelle, Nicolas Sarkozy avait reconnu qu'il fallait engager une décrue du nucléaire, parallèlement au développement des renouvelables et aux économies d‘énergie.

Or, j'entends pendant cette campagne certains proposer d'augmenter toutes les capacités, quelles que soient les sources. Ce ne sera pas tenable. Il faut un plan d'économies d'énergie qui créera des emplois et protégera les citoyens contre l'emballement inévitable des prix.

J'ai visité récemment des HLM basse consommation à côté de Rennes. Malgré la dernière vague de froid, la facture de chauffage n'a été que de quelques euros, alors qu'elle flambait sur l'ensemble du parc de logements. C'est la bonne réponse. Les 900.000 logements qui manquent aux Français, il faut les construire selon ces normes.

François Hollande parle très peu d'écologie contrairement à Ségolène Royal.
Celui qui veut être élu aujourd'hui n'a pas forcément intérêt à mettre la question écologique sur la table. Je peux le comprendre. Mais il ne doit pas se faire d'illusion. Une fois élu, le futur président y sera tout de suite confronté. Je remets la campagne électorale à son niveau : c'est une campagne de communication. Mais le réveil risque d'être douloureux. La crise énergétique et alimentaire touche d'abord les plus défavorisés. On n'y échappera pas.

En avez-vous fini avec la politique ?
Non, mais pas au sens convenu. Je vais continuer mais en mettant les grands dossiers sur la table, en alimentant le débat, en faisant des propositions qu'un candidat à la présidentielle ne pourrait pas porter. Je ne suis pas revenu à la tête de ma fondation pour l'abandonner dans huit jours. Je ne prendrai pas parti, mais cela me permet de dialoguer avec tous les acteurs.

Etre candidat à la présidentielle n'était pas pour moi une fin, mais un moyen. L'expérience n'a pas abouti. Je n'en tire aucune aigreur, mais des conclusions : je suis plus utile là où je suis désormais. Je veux utiliser le lien de confiance que j'ai tissé avec les Français et qui, j'espère, n'a pas été rompu par mon engagement politique passager.

Auriez-vous eu une audience plus importante qu'Eva Joly comme candidat ?
Ce serait prétentieux de le dire. Europe Ecologie-Les Verts a passé un accord avec le PS qui rend difficile une candidature d'un des leurs à la présidentielle. Et, je le rappelle, l'attention est focalisée sur d'autres sujets. C'est l'ensemble de la société qui s'est détournée de ces sujets. Eva Joly n'y est pas pour grand-chose

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