samedi 21 janvier 2012

Yssingeaux - L'entreprise LEJABY cruel symbole de la désindustrialisation

Il y a des coïncidences bien fâcheuses. Au lendemain d'un "sommet de crise" avec les partenaires sociaux où il n'a annoncé que des redéploiements de crédits, très limités, pour l'emploi, Nicolas Sarkozy s'est mué, jeudi 19 janvier à Lyon, devant le monde économique, en chantre de la réindustrialisation "made in France".


La veille, dans une industrie textile fortement mise à mal par une mondialisation qui se traduit par un cortège de délocalisations, les salariés de Lejaby, dernière usine du fabricant de lingerie dans l'Hexagone, ont appris la fermeture du site d'Yssingeaux (Haute-Loire). La production de l'entreprise, déjà délocalisée à 93 %, va être entièrement sous-traitée en Tunisie. Sur 450 salariés, seuls 195 conserveront leur emploi.

En dépit de ce lourd symbole, le chef de l'Etat a retrouvé avec aplomb les accents volontaristes du candidat de 2007 : "Il faut à tout prix enrayer le déclin industriel, il faut à tout prix garrotter la perte du sang industriel de la France.""Je ne serai jamais l'homme d'un nouveau Vilvorde", a-t-il ajouté, faisant allusion à Lionel Jospin qui, en 1997, n'avait pu empêcher la fermeture d'une usine Renault. M. Sarkozy a sans doute oublié qu'en février 2008 il avait promis le maintien du site d'Arcelor-Mittal à Gandrange (Moselle). Et que sa promesse est restée lettre morte.


M. Sarkozy défend le "produire français". Mais il ne brigue plus la succession de Jacques Chirac. Il arrive au terme d'un mandat de cinq ans où il s'est montré impuissant à enrayer le déclin industriel de la France. En dix ans, 600 000 emplois industriels ont été détruits - le PS avance le chiffre de 750 000 -, et, entre 2000 et 2008, la part des emplois industriels dans la population active est passée de 16 % à 13 %. Le secteur manufacturier représente en France environ 16 % de la valeur ajoutée, contre 22,4 % en moyenne dans la zone euro et 30 % en Allemagne. Cette désertification industrielle est due en partie aux délocalisations, même si les experts sont divisés sur leur ampleur - de 10 % selon certains, jusqu'à 28 % pour d'autres.


Ce mal français s'explique par une différence de stratégie avec l'Allemagne : les entreprises françaises qui délocalisent choisissent d'expatrier des unités entières de production quand les allemandes n'externalisent qu'une partie de la chaîne. La lingerie française, dont Lejaby était le dernier symbole, est aujourd'hui presque entièrement sous-traitée en Tunisie, au Maroc et en Chine.


La réindustrialisation va être un enjeu de la campagne. M. Sarkozy va présenter sa "TVA sociale" comme une mesure anti-délocalisation. Le "produire en France" de François Bayrou apparaît d'autant plus comme une incantation que la plupart des produits industriels consommés sortent de chaînes de fabrication mondialisées. François Hollande, le candidat socialiste, parle de "pacte productif" et de banque publique consacrée aux investissements industriels. En réalité, tous les candidats en sont encore à chercher la solution pour "garrotter la perte du sang industriel". Mais il est déjà bien tard.

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