vendredi 23 décembre 2011

Loi pénalisant la contestation des génocides anticonstitutionnelle ?

L'assemblée a voté cette semaine un texte suscitant la colère de la Turquie, qui à mes yeux, est profondément inutile et électoraliste.


De plus, un parlementaire n'est pas élu pour déterminer les vérités historiques.


Robert Badinder, ancien Minsitre, ancien président du Conseil constitutionnel, parle même d'anticonstitutionnalité...





Génocide arménien : Rebsamen veut le texte au Sénat rapidement


Le président du groupe socialiste au Sénat, François Rebsamen, a demandé vendredi 23 décembre au gouvernement d'inscrire la proposition de loi UMP pénalisant la contestation du génocide arménien, votée jeudi par les députés, à l'ordre du jour du Sénat "dans les plus brefs délais".


"Même si ce texte est porteur de soupçons électoralistes, rien ne serait pire aujourd'hui que de l'enterrer, suscitant ainsi l'incompréhension et la déception de la communauté arménienne, après avoir soulevé, l'indignation et la colère de la communauté turque", écrit M. Rebsamen dans un communiqué.

Pour être adopté, il faut que la loi soit inscrite et examinée avant la fin du mois de février, fin de la session parlementaire. L'Assemblée a voté jeudi une proposition de loi réprimant d'un an de prison et d'une amende la contestation du génocide arménien de 1915-1917, suscitant la colère d'Ankara qui réfute le caractère génocidaire des massacres survenus dans les dernières années de l'empire ottoman.


"ANTICONSTITUTIONNEL" POUR BADINTER

Jeudi, l'ancien président socialiste du Conseil constitutionnel, Robert Badinter, avait estimé sur RTL que la proposition de loi, qui pénalise la négation d'un génocide reconnu par la loi, comme l'est depuis 2001 en France le génocide arménien de 1915, était anticonstitutionnelle. "J'exprime ici les plus extrêmes réserves" sur la constitutionnalité du texte, a dit M. Badinter, ajoutant : "Il s'agit d'un texte qui véritablement à mon sens est anticonstitutionnel."


Un point de vue qu'il avait développé au Sénat, en mai, lorsqu'un texte similaire avait été soumis au vote. Selon lui, la loi de 2001 reconnaissant le génocide arménien était déjà anticonstitutionnelle. Il estimait qu'une loi punissant la négation de ce génocide tendrait "à la communauté arménienne elle-même une sorte de piège". En effet, la question prioritaire de constitutionnalité, créée lors de la dernière révision constitutionnelle, permettrait à tout négationniste poursuivi pour ses propos de saisir le Conseil constitutionnel.


"Ce n'est pas aux parlementaires de dire l'histoire. Moins encore aux parlementaires français quand il s'agit de faits qui ont été commis en Asie mineure […] il y a un siècle, où il n'y a eu ni victime ni complicité française. Ça ne concerne en rien la France", a ajouté l'ancien garde des sceaux sur RTL.


A la question de savoir si ce vote était dicté par des raisons électorales, il a répondu : "Il est certain qu'il y a de très fortes motivations compréhensibles de la part de la communauté arménienne en France et ça représente des centaines de milliers de voix."

UNE "OPÉRATION ÉLECTORALE"


François Hollande, candidat socialiste à l'élection présidentielle, est allé plus loin en dénonçant une "opération électorale" de Nicolas Sarkozy.


"Ce qui est regrettable, fâcheux, comme méthode, c'est de saisir une occasion pour faire une nouvelle discussion d'une proposition de loi, dont le gouvernement a déjà dit qu'il ne la transmettrait pas au Sénat. Donc c'est purement un effet d'affichage", s'est indigné le candidat.


"Les socialistes ont voté cette proposition, c'est normal, puisqu'ils avaient voté quasiment la même il y a cinq ans. Pourquoi a-t-on perdu cinq ans ? Pourquoi le président de la République se réveille-t-il – si je puis dire – à la fin de son mandat ? Poser la question, c'est y répondre : c'est une opération électorale, a-t-il poursuivi. Je pense que c'est dommage parce qu'elle ne satisfera pas les Arméniens qui attendaient cette loi depuis cinq ans et demandent que ce texte soit transmis au Sénat."


"Nous avons créé un incident [avec la Turquie] – je ne sais pas quelle en sera sa conséquence – sans pour autant satisfaire la demande qui nous était adressée, qui était adressée à Nicolas Sarkozy depuis cinq ans", a regretté M. Hollande, alors qu'Ankara a annoncé une série de mesures de rétorsion, dont le rappel de son ambassadeur à Paris.

"DES LOIS QUI PÉNALISENT LA PENSÉE"


Nicolas Dupont-Aignan, candidat de Debout La République à la présidentielle, a expliqué, vendredi 23 décembre au matin sur RTL, que ce texte, qu'il s'est abstenu de voter, lui avait posé "un cas de conscience".


"J'ai beaucoup milité pour la reconnaissance du génocide arménien et j'étais fier d'avoir voté cette loi en 2001", a déclaré M. Dupont-Aignan. "Je comprends la volonté des Français d'origine arménienne de voir voter cette loi de pénalisation, je n'aime pas la pression de la Turquie et je ne suis pas du genre à céder à des pressions économiques", a-t-il dit.


"Pour autant, je me suis toujours refusé à voter des lois qui pénalisent la pensée, même si cette pensée me révolte." "Si la majorité UMP et le Parti socialiste avaient un peu de courage, ils auraient organisé un scrutin public", nominatif, comme pour "tous les votes importants", a ajouté le député de l'Essonne. Or, "ils ont organisé ça un peu en douce, le jeudi, pour surtout ne pas se mouiller".


Jean-Pierre Chevènement, candidat du Mouvement républiacin et citoyen (MRC) à l'élection présidentielle, a estimé, vendredi dans un communiqué, que le texte de loi réprimant la négation des génocides, notamment arménien, voté par l'Assemblée nationale, "portait la marque chez les partis" de la "capitulation face aux lobbies".


"Les lois mémorielles, qu'elles soient de repentance ou d'ingérence, portent en elles-mêmes atteinte à la liberté d'expression, c'est-à-dire à la République elle-même", écrit le sénateur de Belfort.


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