samedi 10 septembre 2011

Les centristes, dispersés mais si convoités

Edito du Monde du 10 Septembre 2011


Il est de bon ton, en France, de se moquer des centristes. Depuis un demi-siècle, ils ont constamment affiché leur ambition d'échapper à l'implacable affrontement entre la droite et la gauche et de tracer, entre ces deux camps, une troisième voie.

Tout aussi invariablement - à la notable exception de François Bayrou ces dernières années -, ils ont toujours rejoint le giron de la droite. Au point d'apparaître comme d'éternels velléitaires, dispersés en de multiples chapelles et trop occupés par leurs querelles intestines pour trouver le temps de convaincre les Français de leur réelle utilité.


Les jours prochains en feront, à nouveau, la démonstration. Ce week-end, Jean-Louis Borloo réunit l'ARES, cette Alliance républicaine, écologiste et sociale qu'il a créée au printemps, après son départ du gouvernement Fillon, pour rassembler plusieurs confettis centristes. Mais, avant d'en faire le socle de son éventuelle candidature présidentielle, il devra commencer par calmer les ardeurs concurrentes de son partenaire Hervé Morin.


Une semaine plus tard, c'est François Bayrou qui réunira ses ouailles. Une troisième candidature présidentielle du président du MoDem ne fait aucun doute, et on ne peut lui dénier une détermination à toute épreuve. Quant à l'ancien premier ministre, Dominique de Villepin, il est prêt à troquer son gaullisme flamboyant pour un "centrisme courageux", dans l'espoir de sortir de son isolement.


Ambitions picrocholines et un peu dérisoires, dira-t-on. Peut-être. A ceci près que la "famille" centriste représente un potentiel électoral qui sera décisif en 2012, pour le candidat de la gauche autant que pour celui de la droite. Toutes les enquêtes le situent actuellement entre 15 % et 20 % des intentions de vote si l'on cumule les scores de MM. Bayrou, Borloo et Villepin. Et personne n'a oublié que François Bayrou avait rassemblé 18 % des suffrages, le 22 avril 2007, lors du premier tour du précédent scrutin.


Chacun lorgne donc sur ce pactole. Toujours persuadé qu'il remportera la présidentielle de 2012 grâce à l'élan créé au premier tour par une droite largement rassemblée derrière lui, Nicolas Sarkozy fait tout pour dissuader, décourager ou, à tout le moins, isoler Jean-Louis Borloo. Quant à François Hollande, pour l'heure favori de la primaire socialiste, il prend bien soin de ne pas injurier l'avenir centriste, sachant trop bien que cet apport est indispensable pour espérer l'emporter.


On touche là aux limites du système politique imposé par la Ve République. La logique bipolaire de l'élection présidentielle, comme des législatives qui la prolongent, rend malaisée, voire impossible, l'expression d'un courant qui est loin d'être négligeable. Héritiers du radicalisme et de la Démocratie chrétienne, aussi réfractaires à la gauche malade de l'Etat qu'à la droite malade de l'argent, plus provinciaux que parisiens, plus Rotary que Fouquet's, pondérés, humanistes et tolérants, les centristes mériteraient mieux que ces jeux tactiques. La respiration démocratique du pays n'en serait que meilleure.

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