mercredi 14 septembre 2011

Chaque Français devait pouvoir accéder plus facilement à la propriété... bilan guère concluant après 5 ans de mandat présidentiel

Source : Le Monde


Pourquoi la France de propriétaires de Nicolas Sarkozy n'a pas vu le jour


C'était l'un des grands thèmes du candidat Nicolas Sarkozy qui, en 2007, plaidait pour une France "où chacun pourra accéder à la propriété de son logement". Aujourd'hui, près de cinq ans plus tard, et un an après la dernière mesure censée remplir cet objectif, le constat n'est pas glorieux : le taux de propriétaires stagne à 58 % au lieu des 70 % visés par M. Sarkozy, et les familles aux revenus modestes restent toujours évincées de l'accès à la propriété.

Le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt : recyclage d'une mesure déjà sanctionnée par un échec


Alors, dans son programme présidentiel de 2007, Nicolas Sarkozy ressort un dispositif abandonné depuis dix ans : la possibilité de déduire du montant de ses revenus déclarés les intérêts payés sur un emprunt immobilier.


Cette mesure, qui existait dans les années 1990, avait été supprimée par le gouvernement Juppé (bien que le député Sarkozy ait à l'époque déposé des amendements pour la maintenir) au motif que cette incitation fiscale ne poussait pas significativement les ménages à acheter.


Une fois président, Nicolas Sarkozy va tout de même au bout de son idée en faisant voter par le Parlement, trois mois après son élection, la loi TEPA qui incluait la déductibilité des intérêts d'emprunt. Mais la mesure ne prend pas.


Les banques qui accordent les emprunts immobiliers ne prennent pas en compte les réductions d'impôts accordées aux accédants, et les ménages les plus modestes se voient toujours refuser l'accès à l'emprunt.


En outre, la mesure coûte chaque année un peu plus cher. En 2008, le manque à gagner pour l'Etat est de 249 millions d'euros. Il grimpe à 1,3 milliard d'euros en 2009 (suite à une extension de la mesure par Jean-Louis Borloo), et il double pour atteindre 2,8 milliards d'euros en 2010. Des chiffres qui tombent mal lorsqu'on dit vouloir réduire les finances publiques. La loi sur le crédit d'impôt est donc supprimée à la fin de l'été 2010.


La "maison à 15 euro par jour" : des bonnes idées, mais une mise en pratique fastidieuse

Pendant ce temps, un autre dispositif est développé par la ministre du logement, Christine Boutin, qui lance en avril 2008 le projet des "maisons à 15 euros par jour" (soit environ 450 euros par mois pendant 20 à 30 ans). A la différence de la "maison à 100 000 euros" créee par Jean-Louis Borloo en 2005 et qui fut un échec, le projet de Christine Boutin prend en compte le problème du prix du foncier.


Mais il s'agit surtout d'un habillage de communication pour une série de mesures déjà existantes : le "prêt social location accession" (mécanisme créé en 2004 permettant à des ménages sans apport personnel d'acquérir le logement qu'ils occupent), le prêt à taux zéro (créé en 1995) et le Pass foncier (dispositif créé en 2006 et financé par le 1 % logement pour aider les revenus modestes en dissociant le prix du terrain de celui du bâti). La seule vraie nouveauté de la mesure Boutin est une TVA réduite à 5,5 % pour les constructions neuves.


Mais le prix du foncier, qui ne cesse de grimper, reste un obstacle majeur. Sans la bonne volonté des élus locaux, la mesure est inapplicable, car il est de leur ressort de signer les conventions Pass-foncier, qui permettent d'acheter d'abord la maison, puis le terrain. Il appartient aussi aux maires de mettre à disposition des terrains pour ces maisons.


Aujourd'hui, Christian Louis-Victor, président de l'Union des constructeurs des maisons françaises, estime toujours que "le diagnostic était excellent", mais que le dispositif était trop compliqué, trop limité dans le temps et impliquait trop d'acteurs.


"Il y a eu des freins au niveau local", explique-t-il. "Les élus locaux qui ne soutenaient pas le projet étaient d'autant moins enclins à le faire que, de toute façon, il était prévu pour s'arrêter au 31 décembre 2010. Sans compter que cela se téléscopait avec d'autres mesures." Comme la déductibilité des intérêts d'emprunts.


Puis il y a eu la grogne des écologistes, qui dénonçaient l'étalement urbain consécutif au projet (les terrains les moins chers sont les plus éloignés des centre-villes), celle d'élus craignant une "ghettoïsation" et celle de ménages se retrouvant endettés sur des durées allant jusqu'à 40 ans et qui devenaient alors les "locataires de leur banquier", selon l'expression de la députée Annick Lepetit (PS). Le projet des "maisons à 15 euros" s'éteint donc le 31 décembre 2010 en même temps que le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt.


Le "prêt à taux zéro plus" : rediffusion de l'épisode de 1995

Pour pallier l'extinction de ces mesures d'aide, le gouvernement propose alors un "prêt à taux zéro plus" (PTZ+), reproduisant exactement le même scenario qu'en 1995, quand le ministre du logement, Jean-Louis Périssol, avait inventé le prêt à taux zéro pour remplacer la réduction d'impôt sur les intérêts d'emprunt qui allait être supprimée.


Le PTZ+ est voté en septembre 2010 et prend effet au 1er janvier 2011. La seule différence avec le PTZ de 1995 et sa révision en 2005 est que le "PTZ+" n'est soumis à aucune condition de ressources. Comme la réduction d'impôts de la loi TEPA, il est accessible à tous les ménages achetant un bien immobilier pour la première fois.


L'idée est de ne pas reproduire l'effet "ghetto" du Pass-foncier et de rendre accessibles des logements en zone A (où la demande est supérieure à l'offre, comme les grandes villes). Or, si le PTZ+ est populaire (200 000 prêts ont été signés dans les six premiers mois de l'année), il bénéficie surtout aux classes moyennes et supérieures qui ont moins besoin d'un coup de pouce pour devenir propriétaires. Ce constat est partagé par la fédération nationale des coopératives d'HLM et la fondation Abbé Pierre.


2007-2011 : le nombre de propriétaire stagne, et les ménages les plus pauvres sont les plus lésés


Les ménages modestes et moyens ont toujours autant de difficultés à devenir propriétaires. "Ils représentaient 45 % des acquéreurs de résidences principales en 2003, à peine plus de 30 % cinq ans plus tard", dit le rapport 2011 (en PDF) de la fondation Abbé Pierre.


Les pauvres sont en outre de moins en moins propriétaires, à mesure que les riches le sont de plus en plus : un tiers des 20 % des ménages les plus modestes sont aujourd'hui propriétaires de leur logement, alors qu'ils étaient la moitié en 1988 ; en revanche, les trois quarts des 20 % des revenus les plus élevés sont propriétaires de leur logement, au lieu de deux tiers en 1988, selon des données du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc).
Au terme de quatre ans et demi de mandat présidentiel, Nicolas Sarkozy n'a donc pas atteint son objectif de 70 % de propriétaires. "La proportion n'a pratiquement pas bougé depuis 2007", reconnaît-on au ministère.


Environ 57 % des ménages étaient propriétaires de leur logement en 2007, et ils sont 58 % en 2011. Cette augmentation de 1 point en quatre ans est pratiquement la même progression qu'entre 2002 et 2007.

Hélène Bekmezian

http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/09/14/pourquoi-la-france-de-proprietaires-de-nicolas-sarkozy-n-a-pas-vu-le-jour_1571732_823448.html

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