dimanche 17 avril 2011

François ROCHEBLOINE intervient à propos de la dimension religieuse du dialogue interculturel en Europe

Extrait du débat qui s’est déroulé le 12 avril à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, à la suite de la présentation d’un rapport de Mme Anne BRASSEUR (Luxembourg), membre de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe sur la dimension religieuse du dialogue interculturel (Doc. 12553)


LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Rochebloine.


M. ROCHEBLOINE (France) – "Monsieur le Président, mesdames, messieurs, la démarche de notre collègue Anne Brasseur repose sur une idée – on peut même dire, sur une espérance – que je partage fondamentalement : dans nos sociétés marquées par les comportements agressifs, l’intolérance, les conflits inutiles, il faut promouvoir sans se lasser le dialogue, encourager les rencontres entre les personnes et les institutions qui représentent les différentes sensibilités philosophiques ou religieuses. Si le dialogue entre les cultures est une composante nécessaire de la paix, encore faut-il choisir le bon point de départ et la bonne méthode. A cet égard, certaines affirmations m’inspirent de fortes réserves.


Tout d’abord, la prétention de faire du dialogue entre les religions une sous-catégorie du dialogue entre les cultures. Que l’on adhère ou qu’on n’adhère pas à une conviction religieuse, on doit reconnaître un fait : la dimension religieuse de l’homme comporte une dimension culturelle, s’exprime dans certains cadres culturels, mais ne s’y réduit pas. Elle est la traduction d’une aspiration qui englobe toute la personnalité. En cela, elle se distingue de la démarche humaniste évoquée par le rapport. Cela ne signifie pas pour autant que la loi civile doive la considérer comme meilleure ou supérieure. L’Etat n’a pas à entrer dans ces catégories. Il doit simplement respecter a priori, lui aussi, la spécificité de chaque attitude.


Par ailleurs, il est du droit et du devoir de la puissance publique de dissuader et, éventuellement, de réprimer les comportements contraires aux libertés et à la paix publique des communautés religieuses et de leurs membres. C’est tout le sens du débat français sur le voile intégral. Toutefois la puissance publique exerce sa compétence au prix d’une appréciation a posteriori de ces comportements au regard des diverses lois de police auxquelles, par hypothèse, ils auraient pu contrevenir. La puissance publique ne doit pas se déterminer en postulant que la liberté religieuse, liberté fondamentale de la personne, est une liberté seconde par rapport à des conceptions sociales qui dominent, à un moment de l’histoire, l’ordre contingent du politique. Or telle est bien la doctrine avouée du projet de recommandation qui nous est soumis.


Je n’accepte d’ailleurs pas l’idée que, pour telle ou telle communauté religieuse, la jouissance d’un statut juridique de liberté soit subordonnée à l’acceptation de « valeurs fondamentales communes » élaborées par la société politique. Cela peut vouloir dire deux choses : soit que ces valeurs sont d’ordre religieux, ce qui est absurde, soit que le droit d’une communauté religieuse à jouir de la liberté de pratiquer sa foi est lié à sa subordination à l’ordre politique. Cela suppose, et l’idée apparaît ailleurs encore, que la puissance politique puisse être un prescripteur d’attitudes religieuses. Cela n’est pas acceptable et cela n’est pas réaliste.


Il convient au contraire de veiller à pratiquer une saine séparation des responsabilités, ce qui n’exclut pour autant ni la connaissance réciproque ni le dialogue. Ce dialogue peut d’ailleurs être poursuivi à tous les niveaux où il est souhaitable, pourvu que chacun respecte les compétences de l’autre. L’instance de concertation mise en place en 2002 par le gouvernement de Lionel Jospin et maintenue par les gouvernements successifs depuis, est un bon exemple de dialogue au niveau de la cité. Il existe également dans plusieurs endroits des lieux de rencontre interconfessionnels dont les élus s’emploient à faciliter la tâche parce qu’ils concourent à la paix et à la compréhension mutuelle. Néanmoins s’ils peuvent être des soutiens, voire des incitateurs, les pouvoirs publics ne doivent pas être les meneurs de telles initiatives, faute de quoi elles perdent dynamisme et crédibilité."

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