dimanche 19 décembre 2010

Hervé Morin a vécu un remaniement « inédit »

Source : La Croix
« La Croix » revient sur les grands événements de l’actualité française en 2010, vus par des témoins privilégiés. Aujourd’hui, l’ex-ministre de la défense commente le remaniement gouvernemental

Ce dimanche 14 novembre, juste avant 20 heures, le ministre de la défense Hervé Morin convoque une poignée de journalistes dans ses bureaux de l’hôtel de Brienne, à deux pas de l’Assemblée nationale. Dans quelques minutes, le secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant, annoncera la composition du gouvernement Fillon III. Les ministres dont les noms ne seront pas prononcés sauront alors, et la France entière, avec eux, qu’ils doivent préparer leurs cartons.

Hervé Morin, qui ne se fait plus d’illusions sur son sort, a choisi de ne pas attendre le verdict élyséen. « La France a besoin de pluralisme et la démocratie a besoin d’équilibre, déclare, le front haut, le ministre. Depuis avril 2010, le président est en désaccord avec cette démarche : je ne pouvais pas rester au gouvernement. »

En annonçant lui-même qu’il claque la porte, Hervé Morin tourne l’histoire à son avantage et met un terme à un pénible suspense entamé au printemps. À la veille des élections régionales, Nicolas Sarkozy avait promis, dans un entretien au Figaro Magazine, un remaniement en profondeur… à l’automne.

« Annoncer six mois à l’avance un changement de gouvernement, c’est du jamais-vu dans l’histoire de la Ve République !, commente aujourd’hui Hervé Morin. C’est ahurissant sur le plan des ressources humaines. Par crainte, certains ministres sont rentrés dans leur coquille. D’autres ont pu se trouver fragilisés dans les relations avec leur administration. »

"Mon projet était de rester et de démissionner en mars 2011"

Lui a connu un sort particulier. Au mois d’avril, le président du Nouveau Centre évoque publiquement son éventuelle candidature à l’élection présidentielle de 2012. Un choix qui perturbe la stratégie de Nicolas Sarkozy de rassembler le plus largement possible dès le premier tour. « Peu après, le président me reçoit, raconte le député de l’Eure. Nous avons alors une discussion très tendue durant laquelle il m’indique clairement que si je maintiens mon projet, il me vire du gouvernement. »

En réaffirmant, ensuite, son objectif d’une candidature centriste, Hervé Morin sait que son sort est compromis. Et pourtant, raconte-t-il aujourd’hui, jusqu’au bout, le chef de l’État aura laissé planer le doute. « Le dimanche soir précédant le remaniement, il me reçoit durant une heure et quart. Nous avons une discussion constructive d’où il ressort qu’il va me garder. Il le redit, le lendemain matin, à Jean-Louis Borloo. » Pour le ministre de la défense, ce scénario est idéal. « Mon projet était de rester et de démissionner au mois de mars 2011, après les élections cantonales », confie l’ex-ministre.

Il se remet à y croire, donc, jusqu’au week-end suivant. Le samedi 13 novembre, de retour du sommet du G20 à Séoul, Nicolas Sarkozy se concerte avec le premier ministre reconduit, François Fillon. Le dimanche matin, Hervé Morin attend un coup de téléphone de Claude Guéant… qui ne viendra pas. « C’est à ce moment que j’ai réuni mes collaborateurs pour leur faire part de ma décision d’annoncer mon départ. »

"Je crois sincèrement que son projet était d’appeler Jean-Louis Borloo"

Depuis, cinq semaines ont passé et l’humeur d’Hervé Morin n’est pas retombée. « Les numéros un, deux, trois et quatre du gouvernement, les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil constitutionnel, tous les postes importants sont confiés aux ex-RPR », dénonce le chef du Nouveau Centre.

L’annonce d’un grand remaniement avec des surprises, les velléités du chef de l’État de se repositionner en rassembleur des Français avaient pourtant tenu en haleine les médias. Le président était-il à la manœuvre ou a-t-il été contraint ? « Je crois sincèrement que son projet était d’appeler Jean-Louis Borloo à Matignon, dit Hervé Morin. Certaines maladresses de ce dernier, qu’a bien su utiliser François Fillon, en ont décidé autrement. »

Le résultat complique la situation d’Hervé Morin, qui se retrouve maintenant avec un concurrent sérieux au centre. Le seul avantage de cet épisode du remaniement reste sa disponibilité retrouvée. Cette semaine, Hervé Morin s’isole dans son domaine normand pour terminer un essai politique à paraître en janvier.

Bernard GORCE



http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2449470&rubId=4076

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