mercredi 8 décembre 2010

Dettes : «la crise va empirer»

Les dirigeants européens prendront les mesures nécessaires pour stopper la contagion au sein de la zone euro que lorsqu'ils seront dos au mur, selon Justin Knight, spécialiste des obligations européennes chez UBS.
Entretien avec Justin Knight.


Comment voyez-vous évoluer la situation dans la zone euro?

Justin Knight - Selon nous, la crise sur le marché des dettes d'État va continuer à empirer et atteindre des niveaux encore jamais vus. Jusqu'à un point de rupture mettant en danger la survie même de la monnaie unique. A ce moment-là, les dirigeants européens seront dos au mur et devront prendre les décisions nécessaires pour sauver l'euro. C'est-à-dire abroger l'article 125 du Traité de Lisbonne interdisant le sauvetage financier d'un pays membre.

Il faudra alors persuader deux groupes d'Européens. Les nordiques (Allemagne, Pays-Bas, Autriche) devront accepter de signer des chèques pour les pays moins vertueux. Les pays de l'ouest du continent (Espagne, France,…) devront se résoudre à perdre une partie de leur souveraineté, capitulant une partie de leurs liberté budgétaire. Seule la gravité de la crise pourra convaincre les deux groupes de pays de prendre ce chemin.

Pourquoi croyez-vous à ce scénario-catastrophe?

Ce n'est pas à proprement parler un scénario catastrophe. Nous pensons qu'au final l'Europe devrait en effet se trouver renforcer à travers un approfondissement de la coordination des politiques budgétaires.

En attendant, les investisseurs qui détiennent de la dette des États périphériques (Grèce, Irlande, Portugal) de la zone euro n'ont plus ce qu'ils voulaient lorsqu'ils l'ont acheté. Avec ce type d'obligations, ils cherchaient à placer leur argent dans des titres sûrs, et dont la valeur était stable. Aujourd'hui, les obligations grecques ou irlandaises ne répondent plus à ces critères, donc les investisseurs s'en débarrassent en masse et achètent des obligations françaises ou surtout allemandes. Comme, en face, personne ne veut les leur acheter, sauf la Banque centrale européenne (BCE), les taux d'intérêt grimpent.

La semaine dernière déjà, sans l'intervention de la BCE sur les marchés européens de la dette, la contagion se serait répandue au-delà de l'Espagne, dernière cible en date des marchés. L'Italie, en particulier, a commencé à être attaquée. Sa chute serait une catastrophe pour la zone euro : sa dette représente 1500 milliards d'euros sur les marchés.

Quelle forme prendrait le sauvetage de l'euro?

Il faut une mesure coupe-feu. Une des solutions consisterait à sauver les banques espagnoles, le principal problème de Madrid. Il faudrait recapitaliser les établissements directement avec des fonds européens. Notons au passage que les banques irlandaises sont dans un bien plus sale état que leurs homologues ibériques.

Plus globalement, nous estimons que les dirigeants européens devront mettre en place un mécanisme de garanties croisées entre les pays de la zone euro. Les plus solides garantiront les plus fragiles. Quand ils auront pris cette décision, le grand fossé entre les taux d'intérêt des différents pays européens devrait se combler lentement.



http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2010/12/07/04016-20101207ARTFIG00728-dettes-la-crise-va-empirer.php

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