lundi 6 décembre 2010

Après Sarkozy, la France a "besoin d'un pouvoir sobre"


Tchat entre Hervé Morin et les lecteurs du Monde.fr





Com : Comment avez-vous appris votre départ du gouvernement ?


Hervé Morin : Après une conversation avec le président de la République en avril 2010, durant laquelle j'avais compris que mes objectifs politiques étaient incompatibles avec des fonctions gouvernementales, je considérais que mon sort était scellé. Et n'ayant pas changé d'intention, souhaitant une expression pluraliste de la majorité, il était évident qu'une nouvelle page s'ouvrirait lors du remaniement ministériel. Je l'ai donc appris le dimanche après-midi.

Poher : Vous n'avez jamais caché votre souhait d'être candidat à l'élection présidentielle de 2012. Quels paramètres pourraient vous y faire renoncer ?

Hervé Morin : Le seul paramètre qui pourrait m'y faire renoncer serait que les adhérents de mon parti désignent quelqu'un d'autre pour porter les valeurs du centre et du centre droit.

Octave Barré : Etes-vous prêt à renoncer à cette candidature contre une union avec Jean-Louis Borloo ?

Hervé Morin : Je viens de répondre à cette question de façon indirecte. Le rassemblement des centres doit s'effectuer entre structures indépendantes de l'UMP. De façon concomitante et simultanée avec des groupes parlementaires à l'Assemblée nationale et au Sénat. Et avec une ambition : rééquilibrer la démocratie française et faire vivre le pluralisme.

Laurentbarbin : Beaucoup ne croient pas en l'indépendance du Nouveau Centre, surtout lors du second tour de l'élection présidentielle. Pouvez-vous affirmer dès aujourd'hui que votre parti ne se ralliera plus jamais à l'UMP ?

Hervé Morin : La logique de la Ve République, c'est qu'après le premier tour vous faites un choix. L'indépendance, ce n'est pas la solitude. C'est parce que vous êtes indépendant que vous êtes en mesure de pouvoir conclure un accord. Un accord qui vous permet de pouvoir peser sur la conduite du pays. Au risque de vous décevoir, je considère que le socle des valeurs du centre vous amène un accord avec un parti de droite au second tour. Lorsque vous portez comme valeurs la tempérance fiscale, la liberté d'entreprise, la bonne gouvernance de l'administration ou le principe de responsabilité individuelle, après avoir défendu votre projet au premier tour, vous passez un accord avec un parti de droite.

Etienne : Que répondez-vous à ceux qui considèrent que votre formation a été "digérée" par l'UMP ?

Hervé Morin : En 2007, lorsque François Bayrou a abandonné l'UDF, nous avons entrepris la reconstruction du centre. Nous sommes les seuls à avoir un groupe parlementaire à l'Assemblée nationale, deux mille élus locaux, dix-sept mille militants, dans une structure totalement indépendante financièrement et juridiquement.

Si nous n'existions pas, le rassemblement des centres ne serait pas une question.

Marie : Quid du rapprochement avec les centristes de Jean-Louis Borloo ?

Hervé Morin : Les centristes de Jean-Louis Borloo, ce sont les radicaux. Je lui ai clairement dit que, pour notre parti, le rassemblement que nous souhaitons doit s'effectuer sur des bases extrêmement claires : un centre indépendant qui se situe dans la majorité, portant un candidat à l'élection présidentielle.

Jimmy : Quelle(s) différence(s) entre le Nouveau Centre et le Parti radical ?

Hervé Morin : Nous avons été ensemble au sein de l'UDF. Il n'y aucune raison que nous ne puissions pas l'être à l'avenir. Le Parti radical est aujourd'hui au sein de l'UMP, il doit en être indépendant pour que nous puissions faire route commune.

Anthony : Attendez-vous du congrès du Parti radical valoisien de janvier 2011 qu'il quitte l'UMP, dont il fait partie en tant que "parti associé" (fondateur) ?

Hervé Morin : Le rassemblement des centristes passe par là...

Psy : La bataille du leadership du centre n'est-elle pas moins liée à des divergences politiques qu'à une guerre d'ego entre vous, François Bayrou, Jean-Louis Borloo et quelques autres ?

Hervé Morin : Il est clair que nous portons des valeurs communes. Pour moi, la question se résume ainsi : voulons-nous porter une candidature indépendante au premier tour de l'élection présidentielle ?

Eliot Ness : Le candidat des centristes ne sera, selon vos dires, connu qu'à l'automne 2011. Si ce n'est pas vous... qui ?

Hervé Morin : Les vocations sont innombrables...

Emilio : Pensez-vous que votre notoriété soit un handicap par rapport à celle de Jean-Louis Borloo ?

Hervé Morin : Il est évident que ma notoriété est inférieure, mais combien de candidats chez nos voisins européens ont démontré qu'une campagne permettait de combler rapidement ce déficit ?

Bill : Jean-Louis Borloo devrait se porter candidat dans les prochains jours. Qu'est-ce que cela vous fait ?

Hervé Morin : Abondance de biens ne nuit pas...

Auditeur : Considérez-vous que François Bayrou a gagné ou perdu du terrain depuis la dernière élection présidentielle ?

Hervé Morin : Sa démarche l'a amené à l'isolement et à la solitude.

Emilio : Pensez-vous que le Nouveau Centre soit la meilleure structure d'accueil pour rassembler les centristes ?

Hervé Morin : Le rassemblement des centristes peut se faire dans une nouvelle structure indépendante qui pourrait n'être ni le Parti radical ni le Nouveau Centre.

Jérôme : Etes-vous favorable à une primaire pour choisir un candidat centriste pour la prochaine présidentielle ?
Hervé Morin : Pourquoi pas, dès lors que les conditions de cette primaire garantissent la transparence et la sincérité.

Etienne : Souhaitez-vous toujours reprendre le sigle de l'UDF ? En avez-vous le droit ?

Hervé Morin : Compte tenu de la complexité juridique du droit des marques, je ne vais pas me lancer dans un combat inutile.

Durable : Ne pensez-vous pas que le Nouveau Centre devrait se doter d'une composante écologiste ?

Hervé Morin : Je suis totalement d'accord avec cette idée, et des discussions sont en cours pour que nous puissions travailler avec un parti associé bien connu et qui n'est pas membre d'Europe Ecologie...

Louis : Jean-Marie Bockel a annoncé, dans un entretien sur Lefigaro.fr, qu'il vous avait proposé, ainsi qu'à Jean-Louis Borloo, des candidatures communes pour les cantonales. Qu'en pensez-vous et quelle est votre position pour ces élections ?

Hervé Morin : J'ai rencontré Jean-Marie Bockel il y a dix jours, et lui ai indiqué que j'étais tout à fait prêt à ce que nous puissions avoir des candidatures communes dans toute la mesure du possible.

Florian : Dans quelle mesure votre programme politique est-il une alternative efficace à celui du gouvernement actuel ?

Hervé Morin : Cela mériterait de longs développements. Je veux, d'une part, inscrire la France dans la globalisation. Il y a donc des réponses françaises et des réponses européennes. Françaises, c'est une évolution de la fiscalité qui permet, par exemple, à nos entreprises de lutter à armes égales, d'où, pour moi, la nécessité de basculer une partie du financement de la protection sociale sur un impôt sur la consommation doublé éventuellement d'une taxe carbone. Il y a une réponse européenne qui est la construction d'une puissance politique qui soit une fédération d'Etats-nations afin que nous ne soyons pas le jouet du condominium sino-américain qui est en train de se mettre en place sous nos yeux.

Et il y a pour moi un pendant à une France affrontant la compétition mondiale qui repose sur la création de nouvelles solidarités. Je suis convaincu qu'au-delà de nos grands systèmes de protection sociale il nous faut inventer un nouveau modèle social reposant sur des solidarités humaines et qui s'appuie sur les corps intermédiaires que peuvent représenter les fondations, les associations, les syndicats, le système mutualiste ou coopératif.

Pour le reste, je vous invite à venir à un de mes meetings.

Alain : Vous avez été durant trois ans ministre de la défense de Nicolas Sarkozy. Que pensez-vous de la manière dont il exerce le pouvoir ?

Hervé Morin : Il a une force de conviction et une énergie considérables. J'ai pu constater sa capacité à gérer des crises. Je pense notamment à celles sur les otages dans différentes circonstances. Au-delà du socle de valeurs et du projet politique que porte chaque centriste, j'ai la conviction que nous avons besoin d'un pouvoir sobre : sobre dans la dépense publique, que ce soit sur les grands volumes budgétaires ou dans l'exercice quotidien du pouvoir ; sobre dans ses déclarations en veillant à ne pas heurter telle ou telle partie de la communauté nationale ; sobre dans l'exercice du pouvoir.

Marie Blain : Je suis en fin de cursus universitaire et j'ai énormément de mal à trouver un emploi, malgré un Master en communication. Que préconisez-vous pour aider les jeunes à entrer sur le marché du travail ?

Hervé Morin : Je crois profondément à la vertu de la formation par alternance, qui est un immense facteur d'insertion professionnelle. Par ailleurs, les jeunes comme les moins jeunes vivent les difficultés de notre pays.

Dazibao : Devant la mission parlementaire sur Karachi, François Léotard vous a cité nommément comme l'un des ses collaborateurs au ministère de la défense ayant eu directement à traiter le contrat Agosta ainsi qu'ayant reçu le fameux intermédiaire libanais imposé à la dernière minute. Quid du sujet des rétrocommissions ?

Hervé Morin : J'étais en charge des relations avec le Parlement et des restructurations. Bien loin des contrats d'armement. Je ne me suis jamais occupé de ces affaires. Tous ceux qui sont au cabinet pourraient en témoigner. Et je n'ai jamais rencontré de ma vie M. Takieddine.

Sympathy for the devil : Dans l'affaire WikiLeaks, l'intérêt national, déjà invoqué dans l'affaire Bettencourt, est à nouveau utilisé. Qu'en pensez-vous ?

Hervé Morin : Des responsables gouvernementaux doivent être en mesure de pouvoir échanger en toute liberté sans que ces conversations soient divulguées. Considérer que la transparence des démocraties nous mène sur ces chemins est une erreur.

Jimmy : M. Lagarde, député Nouveau Centre et membre du bureau de l'Assemblée nationale, doit voter, le 15 décembre, pour ou contre la transmission de documents sur l'affaire Karachi au juge Trévidic. Etes-vous favorable à la transmission des documents à la justice ?

Hervé Morin : Tout ce qui peut aider la justice dans la découverte de la vérité doit être fait.

Florian : En tant qu'ancien ministre de la défense, comment qualifieriez-vous la situation actuelle en Côte d'Ivoire et quels sont les risques potentiels pour les ressortissants français dans le pays ?

Hervé Morin : Les Ivoiriens se sont prononcés, ils ont désigné leur nouveau chef d'Etat, Alassane Ouattara, la démocratie doit être respectée. Ce pays a trop souffert de ses divisions pour qu'il plonge à nouveau dans une crise majeure. J'espère que l'intérêt général l'emportera.


Chat modéré par Olivier Biffaud et Eric Nunès

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