vendredi 5 novembre 2010

Remaniement : l'exercice capricieux du pouvoir

Lorsqu'il est élu en mai 2007 - et ce n'est pas pour rien dans sa victoire -, Nicolas Sarkozy s'impose comme un professionnel aguerri de la politique, un champion de l'action, un expert de la communication. Aussi méthodique qu'intuitif, habile à fédérer les énergies et à mettre en scène ses initiatives. Quitte à refaçonner, à sa main, la pratique des institutions.

Depuis la nomination avortée de son fils à la tête de l'Etablissement public de la Défense au débat sur l'identité nationale, depuis l'échec de la taxe carbone à la déroute des régionales, depuis l'incompréhension des dégâts provoqués par l'affaire Woerth-Bettencourt à la fronde de la majorité sur sa politique fiscale, le président de la République semble avoir perdu la main.

L'interminable feuilleton du remaniement gouvernemental prolonge cette séquence jusqu'à l'absurde. Refusé au premier ministre François Fillon au lendemain des régionales de mars, annoncé en juin, programmé pour octobre, sans cesse différé, ce changement d'équipe donne lieu depuis des semaines à une sorte de concours de beauté, assez humiliant pour ceux qui s'y prêtent et peu glorieux pour celui qui s'en veut l'arbitre.

Nicolas Sarkozy n'est pas le premier à céder aux tentations de "l'exercice solitaire du pouvoir", autrefois reproché au général de Gaulle. Pas le dernier, non plus, à jouer de la vanité des hommes ou de leurs ambitions. Mais n'est pas de Gaulle qui veut. Le fondateur de la Ve République pouvait apparaître impérieux et autoritaire. Son actuel successeur donne désormais l'image d'un "prince" capricieux et irrésolu.

Cette attitude est négative pour lui-même, pour les institutions et pour le pays. Pour lui-même ? Il aura réussi, en effet, cette double performance de ne pas tirer bénéfice de l'effet de surprise - puisqu'il y a renoncé - et de décevoir une attente, à force de la faire durer. Pis, l'hésitation sur le choix des hommes traduit, à l'évidence, un flottement sur les choix politiques de la fin de son mandat : voilà quelques mois, il annonçait une pause dans les réformes en 2011 ; désormais, c'est l'inverse.

Pour les institutions ? Dès lors que le président, dès l'été 2007, a qualifié son premier ministre de "collaborateur" et réduit ses ministres au rôle de factotums, on savait à quoi s'en tenir. Mais il franchit aujourd'hui une étape supplémentaire dans la regrettable dévaluation du rôle du gouvernement.

Pour le pays, enfin. Confrontés à une crise sévère et doutant de l'avenir, les Français se convaincront un peu plus que les responsables politiques, et le premier d'entre eux, sont plus préoccupés de ces petits jeux de pouvoir que de leur sort. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour la démocratie.

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