mardi 27 juillet 2010

La chute du patron de BP : la fin de l'impunité ?

Source : Le Monde


La chute du patron de BP : la fin de l'impunité


La démission attendue du Britannique Tony Hayward, le patron du géant des hydrocarbures BP, souligne la fin de l'ère de l'impunité pour les patrons de multinationale. Le capitaine d'industrie, qui dirigeait la première compagnie britannique depuis 2007, paie aujourd'hui son arrogance face à la marée noire provoquée par l'explosion et le naufrage, le 20 avril, de la plate-forme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique.

"J'espère pouvoir reprendre une existence normale", avait-il dit quelques jours après la catastrophe. La désinvolture de ce géologue, qui a fait toute sa carrière chez BP, devant les onze morts du drame et la souillure des côtes du golfe du Mexique a révulsé les médias, les responsables politiques et l'opinion aux Etats-Unis. Son refus d'assumer la moindre responsabilité lors de son audition au Congrès américain a fait de Tony Hayward l'homme le plus haï des Etats-Unis, où la compagnie possède la moitié de ses actifs. Le directeur général de BP s'en est tenu à un discours technique et juridique, cédant à la tentation coutumière en l'espèce, qui est d'en nier la réalité ou la gravité.


A l'instar de Thierry Desmaret, le patron de Total lors du naufrage de l'Erika en 1999 ou du PDG de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, au cours de la crise financière de 2008, Tony Hayward a été incapable de faire acte de contrition. La course au gigantisme crée un sentiment de supériorité chez bon nombre de grands patrons arrivés au sommet. Présenter des excuses donne une image de vulnérabilité et d'incompétence incompatible avec la puissance. Isolés dans leur bunker, imprégnés d'une culture maison introvertie basée sur l'entre- soi et l'esprit de caste, ces fortes, et souvent brillantes, personnalités ont du mal à mesurer l'ambiguïté des sentiments du public à leur égard : un mélange de fascination et d'exaspération. Ils sont jugés à l'aune de l'image d'infaillibilité qu'ils cultivent trop souvent. S'ajoute la terreur des class actions, les plaintes collectives grâce auxquelles des victimes peuvent se regrouper pour faire reconnaître leurs droits.


Les plans média les plus sophistiqués mis en place par BP ont montré leurs limites. La première entreprise britannique n'a pas pris la mesure du bouleversement du paysage médiatique. "Chienne de presse", relayée par une foule de politiciens qui transforment de petits ennuis en un feuilleton international : à l'heure de l'Internet, cette vieille antienne est dépassée.


Investisseurs et acteurs financiers ne se nourrissent plus seulement des grands journaux cajolés par les experts de la "com". Pour se tenir informé, le must est désormais de consulter les blogs. BP a sous-estimé leur impact. Anonymement, banquiers, traders et autres gestionnaires de fonds ont balancé sur ces sites toutes les vérités à propos de BP qui ne sont pas bonnes à dire. Tony Hayward tombe à cause de cet environnement-là aussi.






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