dimanche 4 novembre 2012

L'ancien chancelier socialiste allemand inquiet pour la France


L'Allemagne ne cache pas son scepticisme face à la politique économique de son partenaire. Gerhard Schröder tire la sonnette d'alarme.





Il n'y a pas qu'en France que les doutes s'accumulent sur la stratégie de François Hollande. Les Allemands commencent eux aussi à se demander s'il y a un pilote dans l'avion. Le très populaire quotidien Bild n'y va pas par quatre chemins. Le journal à plus gros tirage de la presse allemande se demandait mercredi : "La France sera-t-elle la nouvelle Grèce ?" L'article, consultable en ligne, assène que la France est "en chute libre" et que "le président nouvellement élu, François Hollande, ne réagit pas".
C'est notamment l'ancien chancelier Gerhard Schröder qui a inspiré le journaliste Nikolaus Blome, auteur de l'article. Le père de l'agenda 2010, un train de réformes d'inspiration libérale qui a fait passer l'Allemagne du statut d'"homme malade de l'Europe" à une machine à exporter, ne s'est pas privé de douter publiquement du chef de l'État français, en marge de la conférence européenne du Berggruen Institute, qui rassemblait à Berlin de nombreux responsables et ex-responsables politiques et économiques. "Les promesses de campagne du président français vont voler en éclats face à la situation économique", a lâché Gerhard Schröder, pourtant social-démocrate. Il a notamment critiqué le retour de l'âge de la retraite à 60 ans pour certaines catégories de salariés, un "mauvais signal", "non finançable". Il s'est aussi inquiété de l'augmentation de la pression fiscale, qui aura pour effet, selon lui, de provoquer une fuite des capitaux. 

Des statistiques dignes de l'Europe du Sud

Cet alarmisme allemand peut paraître en décalage avec la réalité. La crise de la zone euro semble s'être calmée depuis que la Banque centrale européenne (BCE) a présenté un programme destiné à racheter de manière "illimitée" la dette de moyen terme (trois ans maximum) émise par les États qui en feraient la demande, en échange de conditions très strictes. Surtout, notre économie, la deuxième de la zone euro, se finance depuis quelques mois sur les marchés à des taux très bas, y compris à long terme (10 ans). Plutôt confiants, les investisseurs ne font pas payer au Trésor français une prime de risque beaucoup plus élevée que celle réclamée à Berlin pour financer son endettement. C'est sur ce début de sortie de crise que François Hollande compte justement pour tenir ses objectifs de réduction des déficits et commencer à inverser la courbe du chômage en 2013. "Nous en sommes à la troisième année de crise. La reprise va arriver, c'est une question de cycle", a-t-il récemment confié au Monde dans une interview exclusive.
Cette foi en la capacité de rebond de l'économie est-elle justifiée ? Coincée entre le premier élève de la classe, allemand, et les pays du Sud qui ont engagé des réformes structurelles et semblent gagner en compétitivité grâce à la dévaluation interne (compression des salaires et donc des coûts salariaux), la France ne ferait pourtant pas mieux qu'eux si l'on en croit Bild : "Les statistiques [françaises] rappellent celles des pays en crise d'Europe du Sud : plus de 25 % de chômage chez les jeunes, déficit budgétaire de 5 %, croissance nulle." 

Moody's en embuscade

Le retour de l'appétit pour le risque sur les marchés en zone euro pourrait faire remonter légèrement les taux réclamés à la France par les investisseurs, lorsque ceux-ci diversifieront de nouveau leur portefeuille au détriment des obligations d'État. L'augmentation des taux pourrait même être beaucoup plus forte s'ils considèrent que le gouvernement ne fait rien pour améliorer la compétitivité du pays ou si la croissance, aux abonnés absents, ne revenait pas. Tenir l'objectif de retour à 3 % de déficit l'année prochaine deviendrait alors très difficile, sauf à prendre de nouvelles mesures de rigueur qui pourraient se répercuter sur la croissance et provoquer un effet boule de neige. "Lorsque le refinancement de la dette va devenir difficile, les vrais problèmes vont commencer pour la France", a d'ailleurs averti Gerhard Schröder.
L'agence de notation Moody's est en embuscade, elle qui a averti qu'elle reconsidérerait le triple A de la France à la fin du troisième trimestre. Son verdict pourrait tomber dans les prochaines semaines. Une mauvaise nouvelle pourrait fragiliser l'ensemble de la zone euro, alors que l'Hexagone constitue le deuxième apporteur de fonds au Mécanisme européen de stabilité (MES), censé être le rempart contre la crise... L'Allemagne ne pourrait pas porter seule l'édifice à bout de bras...

Pas de "choc"

Lundi, l'ancien patron d'EADS Louis Gallois remet son rapport sur la compétitivité au Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Le gouvernement devrait ensuite dévoiler un premier train de mesures censées s'attaquer au problème, symbolisé par le déficit commercial record accumulé en 2011 (plus de 70 milliards d'euros). Mais pas question pour autant de céder à la demande des grands patrons d'un véritable "choc" par une baisse de 30 milliards d'euros des charges patronales. Des allègements - non encore chiffrés - devraient bien être décidés pour alléger le coût du travail, mais ils seront étalés sur toute la durée du quinquennat. Et ils pourraient n'être dévoilés qu'en janvier, lorsque le Haut Conseil du financement de la protection sociale aura rendu son rapport. 
Dans ces conditions, "la France peut-elle s'en sortir (avec les réformes engagées) ? s'interroge Bild. De nombreux experts de la conférence en doutent." 

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