jeudi 27 septembre 2012

La "voie" du centre par Hervé Morin


Inutile de se le cacher, le centre est sorti dévasté del'élection présidentielle du printemps 2012. "Éparpillé par petits bouts, façon puzzle", dirait-on comme Audiard.
Souvent, par le passé, les centristes ont emprunté des routes différentes, mais 2012 aura à l'évidence constitué un sommet dans nos divisions. Certains ont voulu jouer depuis 2007 la carte du centre indépendant. Ils ont dû se ranger, dépités et sans conviction, derrière François Hollande au soir du premier tour. D'autres avaient opté, dès l'origine, pour la candidature de Nicolas Sarkozy. Ils auront été aux abonnés absents pendant toute la campagne. D'autres encore, et j'en avais pris l'initiative avec la très grande majorité des militants et des élus du Nouveau Centre, avaient souhaité la présence à l'élection présidentielle d'un candidat de centre-droit. Nous avons dû jeter l'éponge, avant même le premier tour, avec le sentiment ensuite d'être un peu dans la campagne présidentielle comme le Fabrice del Dongo de Stendhal sur le champ de bataille de Waterloo.
C'est un fait peu contestable, toutes ces stratégies ont échoué et peu importe de chercher les responsables car, au final, c'est toute la famille centriste qui est sortie en lambeaux de cet épisode présidentiel. Défaite des hommes, défaite des partis et - c'est sans doute plus grave - défaite des idées.
Certains diront que cette campagne n'était pas faite pour les centristes. Trop extrême, trop violente, trop manichéenne. Ce n'était pas mon sentiment et ça ne l'est toujours pas. Entre l'Etat-providence de François Hollande et l'homme providentiel de Nicolas Sarkozy, je persiste à dire que le centre-droit avait toute sa place. A condition d'être soudé. A condition aussi d'être respecté au sein de la majorité. À condition de ne pas être achetables à la moindre occasion.
Car si le centre a perdu, Nicolas Sarkozy et l'UMP ont échoué aussi, et notamment à cause de cette obstination à vouloir empêcher toute candidature centriste. Résultat : non seulement, le président sortant n'est pas arrivé en tête au premier tour, mais de surcroit, il s'est privé par cette stratégie de tout report de voix et de toute dynamique de second tour. Sans oxygène, il s'est condamné à racoler les voix de l'extrême droite, plaçant ainsi de nombreux centristes devant un choix cornélien.
Cette campagne aurait pu constituer le linceul du centrisme. Tous, nous avons fait en sorte que cela ne soit pas le cas. Le temps est aujourd'hui à la reconstruction et au rassemblement au sein de l'UDI (Union des Démocrates et Indépendants). Toutes les "petites familles" du centrisme se sont assises autour de la même table. Les poignées de mains sont encore fugaces et les regards fuyants. On ne parle pas encore de l'avenir et encore moins du passé mais chacun est présent dans la maison commune et c'est bien l'essentiel.
Mais ne rêvons pas trop vite non plus. Cette seule organisation fédérale et le fait d'emprunter à l'UDF les deux premières lettres de son sigle ne seront pas suffisants. Il nous faudra dans le même temps nous engager dans un énorme travail pour renouveler notre pensée, pour retrouver des marqueurs idéologiques puissants qui nous identifieront sans problème dans l'opinion et qui constitueront aussi un ciment pour tous les adhérents et les cadres de notre famille politique. Sans idées propres, sans prises de position clivantes, sans radicalité dans notre expression, une fédération de partis ne peut pas réussir. Elle existera mais elle ne sera à nouveau et très vite que conjurations, conspirations et trahisons.
"Les idées d'abord", disait souvent Jean Lecanuet face aux problèmes d'appareil qui lui étaient posées. C'est comme cela que je vois effectivement cette reconstruction. Dans une dynamique d'idées, de réflexions, de propositions. Je suis optimiste sur notre capacité à réagir car je crois que les grandes valeurs du centre - l'Europe, les territoires, la rigueur budgétaire, la modernité sociale et la morale publique - sont plus que jamais les repères qui doivent guider l'action politique de demain. Il nous reste, et le travail ne sera pas mince, à les ré-enchanter, à leur redonner du souffle et à montrer aux Français pourquoi ces valeurs ne sont pas devenues de banales généralités mais d'authentiques réponses à leurs inquiétudes et à leurs problèmes.
Evoluer sur le fond mais aussi je le crois sur la forme. "Bouillir dans notre peau", comme disait Péguy, même si cet activisme n'est pas toujours dans notre ADN de centriste. Dire des choses nettes, claires, simples, parfois brutales, privilégier pour une fois la conviction plus que le compromis, la virulence plus que la tempérance, c'est à cette condition que nous serons entendus.
Le présent n'a pas encore le visage de notre espérance et sans doute ne l'aura-t-il jamais tout à fait mais après tout, peu importe. Nous devons, nous centristes, être prêts très vite pour constituer, non seulement une opposition crédible, mais déjà une relève. Une famille à nouveau soudée, une famille à nouveau imaginative, une famille à nouveau conquérante, c'est l'objectif qui est le nôtre et le mien à compter d'aujourd'hui.

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