mardi 24 janvier 2012

Le Parlement adopte le texte sur la négation des génocides

J'avais déjà traité de ce sujet le 23 décembre dernier. La Loi est désormais également adoptée par le Sénat, ainsi toute négation de génocide, dont celui des Arméniens par les Turcs pourra être puni pénalement.


Je repose la question : était-il véritablement opportun de faire à nouveau parler du génocide arménien de 1915, dont personne de sérieux ne conteste la réalité ?Etait ce utile de faire un tel tapage médiatique ? De risquer de se brouiller avec la Turquie dont les conséquences peuvent être lourdes au niveau diplomatique et économique alors que seuls deux génocides sont reconnus : celui des Arméniens et celui des Juifs ? D'autant plus que la négation du génocide Arménien est punie depuis plus de 10 ans...


Par ailleurs, je pose la question comme plusieurs politiques : est ce que c'est à la loi d'écrire l'histoire ? Les crimes de l'histoire sont innombrables : l'Holocauste nazi, les Khmers rouges, le stalinisme, les grands massacres de la Chine rouge...



Enfin, la question de la constitutionnalité de la loi est posée, notamment par Robert Badinter ; ci dessous, on peut lire un entretien qu'il accordé au journal Le Monde.





Le Parlement français a adopté définitivement lundi une proposition de loi pénalisant la négation des génocides, notamment celui des Arméniens en 1915 par les Turcs, un geste comparé à une "nouvelle Inquisition" par Ankara.


Le Sénat a validé par 127 voix contre 86 le texte que l'Assemblée avait déjà adopté le 22 décembre par un vote à main levée, majorité et opposition y étant largement favorables.


La bataille a été beaucoup rude au Sénat, où de nombreux élus ont estimé que ce n'était pas au législateur mais aux historiens de trancher la question du génocide arménien.


Les opposants au texte comptent désormais sur le Conseil constitutionnel pour invalider le texte. Il faut 60 sénateurs pour déposer un recours et, si c'est le cas, les "Sages" auront un mois pour se prononcer.


La proposition de loi prévoit de punir d'un an d'emprisonnement, d'une amende de 45.000 euros ou des deux à la fois la négation d'un génocide que le Parlement français avait reconnu par une loi adoptée en 2001.


Même s'il ne désigne pas de pays en particulier, le texte adopté lundi vise la Turquie pour le massacre d'un million et demi d'Arméniens en 1915, qu'Ankara n'a cessé de contester depuis, estimant qu'il revenait aux historiens de trancher.


Le ministre des Relations avec le Parlement, Patrick Ollier, l'a appuyé au nom du gouvernement tout en minimisant sa portée.


"Notre société se doit de lutter contre le poison négationniste, et c'est ce que propose ce texte destiné à remplir un vide juridique", a-t-il déclaré, démentant catégoriquement qu'il s'agisse d'une "loi mémorielle".


La France, a-t-il rappelé, a reconnu deux génocides par la loi : la Shoah en 1990 et le génocide arménien en 2001.


"Or, seule la négation de la Shoah est pénalement réprimée", a-t-il expliqué en estimant que "la liberté d'expression ne peut être le paravent de l'insulte ou de la provocation".


"TRÈS NÉFASTE" POUR LA TURQUIE


Le vote devrait provoquer de nouvelles tensions entre la France et la Turquie, dont la relation est déjà polluée par le refus de Nicolas Sarkozy de voir cet important allié de l'Otan en pleine expansion économique adhérer à l'Union européenne.


Lors de l'adoption du texte à l'Assemblée nationale, la Turquie avait rappelé son ambassadeur à Paris et annulé toutes les rencontres politiques, économiques et militaires prévues avec la France ainsi que l'autorisation accordée aux avions de chasse et aux bâtiments de l'armée française d'atterrir ou d'accoster en Turquie.


Le vice-Premier ministre turc Bulent Arinç a averti lundi la France que de nouvelles mesures seraient prises après l'adoption d'un texte qu'il compare à l'Inquisition, une juridiction catholique d'exception chargée de réprimer les hérétiques.


"La France a été un pays d'Inquisition dans le passé. Nous savons que beaucoup de personnes ont été condamnées dans ce contexte, Galilée et d'autres", a-t-il déclaré à Strasbourg, lors d'une conférence de presse au Conseil de l'Europe.


Il a estimé qu'un vote favorable serait "très néfaste pour les relations entre la France et la Turquie", et a menacé de traîner Paris devant la Cour européenne des droits de l'homme.


Nicolas Sarkozy, qui, lors d'une visite en Arménie début octobre, avait mis la Turquie en demeure de reconnaître rapidement sa responsabilité dans le génocide arménien, a tenté la semaine dernière d'amadouer les autorités turques.


"Je souhaite que nous sachions faire prévaloir la raison et maintenir notre dialogue, comme il sied entre deux pays amis et alliés", a écrit le président français dans une lettre au Premier ministre turc, Tayyip Erdogan, dont le texte a été diffusé par l'ambassade de France à Ankara.


UN GESTE ÉLECTORAL ?


Le but de la proposition de loi "est de protéger la mémoire des membres de notre communauté nationale qui ont eu trop longtemps le sentiment que l'on niait la réalité de ce que leurs ancêtres avaient vécu et de les aider ainsi à refermer les plaies ouvertes il y aura bientôt 100 ans".


Mais la Turquie voit dans cet empressement un geste en direction des quelque 500.000 Français d'origine arménienne à l'approche des échéances électorales du printemps.


"Sarkozy et ses collègues souhaitent utiliser à des fins de politique intérieure une décision contre la Turquie", a dit Bulent Arinç.


La proposition avait été rejetée mercredi dernier par la commission des Lois du Sénat, qui avait adopté une motion d'irrecevabilité par 23 voix contre 9 et 7 abstentions.


Les membres de cette commission avaient été sensibles aux arguments exprimés par l'ancien ministre socialiste de la Justice Robert Badinter, qui estime, comme la Turquie, que ce n'est pas au Parlement "d'écrire l'histoire". Il risque selon lui de se voir censuré par le conseil constitutionnel.


Mais cette motion a été rejetée lundi en séance publique.


Des manifestations d'opposants et de partisans de la loi ont eu lieu aux abords du Palais du Luxembourg, où un imposant dispositif de sécurité avait été mis en place.


Emile Picy, avec Gilbert Reilhac à Strasbourg.

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